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Les témoins de l’Euro : Karl-Heinz Riedle (Euro 1992)

A l’approche de l’Euro 2020, notre rédaction vous propose une série de rencontres avec les joueurs ayant disputé ce tournoi par le passé. Des lauréats de la compétition, des acteurs majeurs ou simplement des protagonistes ayant des histoires intéressantes à raconter. Pour le neuvième épisode, c’est l’ancien attaquant allemand Karl-Heinz Riedle qui se confie à Goal. Il évoque pour nous l’édition 1992 où il a atteint la finale avec la Nationalmannschaft tout en terminant meilleur buteur.

Avec l’Espagne, l’Allemagne est la sélection la plus titrée du championnat d’Europe. Elle compte trois sacres à son actif, dont deux sous l’appellation de la RFA. La Mannschaft aurait cependant pu aspirer à un meilleur bilan dans cette épreuve. Parce qu’elle a perdu autant de finales qu’elle n’en a gagnées. Et s’il y en a une qui lui reste en travers de la gorge c’est celle de 1992 concédée contre le Danemark en Suède.

A l’époque, tout prédestinait l’équipe allemande à triompher sur l’Europe après avoir conquis le monde. Un doublé historique qu’aucune sélection n’avait encore réussi dans cet ordre. Le groupe n’avait pas changé par rapport à celui qui s’était adjugé le Mondiale 90 en Italie, si ce n’est en mieux avec l’incorporation de quelques bons éléments émanant de la RDA. Et on voyait mal à l’époque qui pourrait déjouer leurs plans.

La Mannschaft avait le back-to-back en vue

Karl-Heinz Riedle était de la partie en 1992, après avoir participé à la consécration planétaire dans un rôle de joker. Celui qui à l’époque se produisait sous le maillot de la Lazio de Rome se souvient très bien dans quelles circonstances lui et ses coéquipiers avaient rallié la Scandinavie : « L’équipe qui a remporté le Mondial deux ans auparavant était une équipe très forte. Et à la suite de ce tournoi il y a eu la réunification des deux Allemagnes. On a pu récupérer 4 ou 5 excellents joueurs en provenance de l’Est. Nos attentes étaient donc très hautes par rapport à ce tournoi. Et notre objectif était clairement de confirmer ». 

Les ingrédients étaient là pour aller chercher un trophée qu’ils n’avaient pas su remporter quatre ans auparavant à domicile. Personne n’était censé leur barrer leur chemin. Et c’est exactement ce que Franz Beckenbauer a lâché au moment de céder son poste à son adjoint Berti Vogts au bout d’un mandat de six ans. Comme passation de témoin, il y en a eues sûrement des moins pesantes. « Oui, c’est le genre de déclarations que pouvait faire Beckenbauer, admet Riedle. Et c’est sûr que ça a mis de la pression sur Vogts. Mais bon, ce n’était pas trop utile non plus. Car quand on gagne une Coupe du Monde, c’est évident que tu as de nouvelles responsabilités et que l’Euro qui arrive après il faut le gagner. »

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Allemagne réunifiée ≠ Allemagne plus performante

Il était donc hors question de se contenter d’une place d’honneur, a fortiori avec l’incorporation des joueurs comme Matthias Sammer, le futur Ballon d’Or, dans l’effectif. La présence de ce dernier compensait la défection du capitaine Lothar Matthaus, blessé au genou juste avant le tournoi. Et il y avait aussi Thomas Doll, l’autre sociétaire de la Lazio et qui avait fait les beaux jours du Dynamo de Berlin. Ce duo venu de la RDA pouvait avoir des réserves sur la façon dont il serait accueilli au sein de la sélection de l’ouest, mais au final, et à sa grande surprise, il a été immédiatement mis dans les meilleures prédispositions. Riedle le confirme : « On connaissait déjà ces joueurs-là de par les matches en Coupes d’Europe des clubs. Donc les Matthias Sammer, Thomas Doll et Ulf Kirsten (non retenu pour l’Euro, ndlr) étaient des joueurs respectés. On savait qu’ils allaient ajouter une plus-value à l’équipe. C’est pourquoi ils ont été très bien accueillis et il n’y a eu absolument aucun problème de ce côté-là ».

Sur le papier, cette Allemagne était belle à voir. Il ne restait plus qu’à fructifier toutes ces belles promesses sur le terrain. Malheureusement, la vérité du rectangle vert n’a pas été aussi reluisante qu’espérée. Il y a eu un parcours honorable, avec une qualification jusqu’à la finale mais ce fut en trompe-l’œil, avec notamment un premier tour franchi dans la douleur. Sur les cinq matches qu’ils ont joués, les favoris du tournoi n’en ont remporté que deux : contre l’Ecosse au premier tour (2-0) et face à la Suède en demi-finale (3-2). Pas vraiment digne d’une équipe championne du monde. « Je ne peux pas trop expliquer le premier tour poussif qu’on a eu. C’est trop loin dans mes souvenirs, mais je dirais que cette compétition a été assez étrange pour nous dans sa globalité, se remémore notre témoin. Contre les Pays-Bas (1-3), nous n’avons pas fait un grand match. Certes, il y a eu ensuite la rencontre contre la Suède en demi-finale (3-2) où nous étions plutôt bons, mais de manière générale durant tout cet Euro on n’a pas été aussi performants qu’on ne l’a été deux ans auparavant à la Coupe du Monde ». 

Dernière victime de l’invité surprise danois

N’être qu’à moitié bon aurait pourtant pu suffire à cette Mannschaft si elle avait bien négocié sa finale. Or, le 26 juin à Goteborg, elle est passée à côté de son sujet, concédant un revers aussi surprenant que douloureux. « Aller jusqu’à la finale, ce n’était pas si mauvais. Mais perdre contre le Danemark, c’était clairement une grosse déception et personne ne s’y attendait, concède Ridle. Les Danois ne devaient même pas participer à cette compétition. Qu’ils la gagnent, c’était une grande sensation. Mais, en repensant à ce match, on peut se dire que c’était entièrement de notre faute si on n’a pas triomphé. Nous n’étions pas au mieux ce jour-là et je ne sais pas pourquoi. C’est le football, on doit l’accepter mais ça reste quand même une désillusion. »

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Dans le jeu, face à Brian Laudrup et consorts, la bande à Vogts n’a pourtant pas vraiment démérité. Mais elle a failli dans la dernière partie du terrain, là où les Danois ont fait preuve d’un incroyable réalisme. La réussite les a fuis, mais pour Riedle il n’y a pas lieu de se cacher derrière ce facteur. C’est la sélection la plus méritante qui a remporté cette compétition. « Le football c’est un sport assez simple où la finalité est de mettre le ballon au fond et on n’a pas su le faire, avoue-t-il avec beaucoup de lucidité. Certes, on a manqué de réussite, mais globalement ce n’était pas le genre de matches auxquels on pouvait s’attendre de la part de l’Allemagne. Et il faut rendre crédit au Danemark aussi. Eux, ils ont peut-être livré le meilleur match de leur histoire. C’est comme ça. »

Le verre à moitié plein pour Riedle

L’Allemagne a donc manqué à sa tâche et cet Euro n’est pas vraiment resté dans la mémoire de ses supporters. Pour Riedle, en revanche, l’aventure valait clairement la peine d’être vécue. Et ce pour de nombreuses raisons. « Avec le recul, ce sont les sentiments positifs qui restent, assure-t-il. Surtout pour moi, car j’ai joué d’entrée tous les matches et c’est quelque chose qui ne vous arrive pas tous les jours dans un grand tournoi. En 1990, je sortais du banc en tant que remplaçant de temps en temps mais je n’étais pas titulaire. Donc, c’était en quelque sorte MA compétition avec la sélection. Nous avons perdu en finale, mais c’est sûr que j’en garde de très bons souvenirs. Et j’ai quelques amis danois, et pour eux c’est encore plus prégnant car c’était le firmament de leur carrière. Et à chaque fois qu’ils me voient, ils me le rappellent ». 

Riedle a aussi eu la chance de finir meilleur réalisateur de la compétition, ex-aequo avec Tomas Brolin, Dennis Bergkamp et Henrik Larsen. Il s’est offert trois pions dont deux en demi-finale contre l’hôte suédois avec la belle victoire récoltée au bout. Le second a été réussi à la 88e minute sur une frappe croisée du droit, suite à une passe en profondeur de Thomas Helmer. Pour le natif de Weiler im Allgäu, et même s’il a connu d’autres matches marquants avec son pays, ce fut assurément le moment de gloire. Il s’en souvient comme si c’était hier : « Marquer deux buts décisifs et importants en demi-finale d’un grand tournoi c’est quelque chose de particulier. J’étais très content d’avoir pu le faire. C’était une belle performance pour moi et aussi pour la sélection. Et c’est vrai que c’était l’un des grands moments de ma carrière ».

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L’Euro, la ligne manquante à son brillant palmarès

Au final, ce championnat d’Europe est le seul tournoi majeur que l’ancien attaquant a disputé dans la peau d’un titulaire. Et c’est survenu à une époque où il était au top sur le plan personnel. Forcément, il a savouré, même si cela ne coïncidait pas avec la période la plus faste de la Mannschaft : « C’est vrai que de 25 à 27 ans, c’était la meilleure période de ma carrière. Après la Coupe du Monde 1990, j’ai même eu la chance de jouer régulièrement comme titulaire sous les ordres de Berti Vogts. Parfois, c’était au détriment de Jurgen Klinsmann. Pour l’entame de cet Euro, le sélectionneur avait choisi de m’aligner moi et Voller en attaque mais Rudi s’est rapidement blessé et Klinsmann a retrouvé sa place. Et on (lui et Klinsmann) a joué le reste du tournoi tous les deux en attaque. On n’a pas été mauvais, mais on aurait pu faire mieux, comme toute l’équipe d’ailleurs. Et en particulier contre le Danemark en finale ».

Klinsmann a eu l’occasion d’effacer l’échec en finale, puisqu’il était de la partie quatre ans plus tard en Angleterre (1996) quand l’Allemagne a retrouvé le sommet du continent et avec le brassard autour du bras qui plus est. Riedle, lui, n’a pas eu cette chance. La faute à une blessure contractée quelques mois avant le tournoi et qui a précipité la fin de sa carrière internationale. Avec le recul, il admet que ne pas avoir gagné l’Euro lui laisse un petit gout amer. « Oui, il y a un petit regret, c’est certain, confesse-t-il. En 1995, j’ai contracté une blessure et je n’ai pas pu revenir à temps. J’ai eu une rupture des ligaments et je n’ai pas pu faire partie des 23. A deux mois près, j’aurais pu y être et remporter un autre trophée avec mon pays. C’est peut-être le titre qui m’a manqué dans ma carrière, oui. Mais bon, en fin de compte, j’étais très content pour eux quand ils ont gagné. Et moi je suis heureux du parcours professionnel que j’ai eu ». Et il peut l’être. En 1997, il a d’ailleurs pu pleinement se consoler en club en étant –avec deux buts marqués - le héros de la finale de la Ligue des Champions victorieuse avec le Borussia Dortmund contre la Juventus. Un autre doublé qu’il n’est pas prêt d’oublier.  

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