La marche était trop haute. L'équipe de France est tombée avec les armes à la main contre une formation américaine plus froide qu'elle. Les larmes et l'amertume sur le visage des Bleues ne doivent toutefois pas prendre le pas sur la fierté, car il y a eu un match, un combat, du cœur et des jambes.
En fait, il faudrait s'arrêter aux premières minutes pour imager tout ce que les Françaises craignaient des Américaines. Dès l'entame de match, les championnes du monde en titre ont utilisé tous leurs arguments : de la puissance, de la vitesse, du coffre, de la confiance et un métier qui vire presque à l'intimidation. Alors quand Griedge Mbock a concédé un coup-franc dangereux aux abords de la surface sur un déboulé de l'intenable Megan Rapinoe, le frisson s'est intensifié. La même Rapinoe s'est faite justice pour déclencher une frappe enroulée qui a fait mouche avant d'exulter (0-1).
Les Bleues paient encore pour apprendre
Voilà comment les Américaines ont planté le décor. Condamnées à réagir, les Bleues se sont retrouvées entre deux eaux, et elles ont mis du temps à régler le curseur. La gestion de la profondeur est devenue le thème du soir. Exposées par ce scénario inconfortable, elles auraient pu payer leurs velléités offensives si la bande à Morgan n'avait pas manqué de justesse dans l'amorce des contres. Amel Majri, admirable de ténacité, a bien symbolisé la problématique, si tiraillée entre sa volonté d'entreprendre devant pour créer l'étincelle et la nécessité de rattraper les coups derrière.
Finalement, les Bleues ont composé avec l'idée d'avancer avec cet équilibre fragile, ça passait ou ça cassait. La dramaturgie du soir s'y prêtait. Pendant toute la première période, elles ont cherché, testé, imaginé, mais elles n'ont pas trouvé la clé. Diani s'est mise en jambes pour placer la défense américaine sur le reculoir. Henry a haussé d'un ton au milieu, et Majri a continué ses montées incessantes dans son couloir. En face, l'expression des Américaines était un bon baromètre. Une perte de balle surprenante, puis une autre, ont illustré ce renversement progressif des valeurs.
Encore fallait-il que cela se traduise par du concret. Et dans le plan des Américaines, on a vite compris que l'objectif était de faire mal à chaque début de mi-temps, vu les conditions du soir. Les Bleues auraient pu l'apprendre à leurs dépens - encore - mais Bouhaddi a sorti le double-arrêt qu'il fallait sur un corner où la panique a gagné la défense tricolore. Mais la réaction française ne s'est pas faite attendre, dans un Parc où les décibels augmentaient à mesure que que la chaleur s'estompait. On a alors eu droit à un temps fort français, un vrai.
Deux coups de canon lointains d'Amandine Henry l'ont déclaré (53e), avant une occasion énorme pour Eugénie Le Sommer, si esseulée et enfin en évidence, mais la Lyonnaise a manqué le but vide (57e). Dans la foulée, Diani a été contrée in extremis après une énième accélération dans le dos de la défense américaine (58e). Et c'est au moment où les Américaines avaient franchement la tête sous l'eau qu'elles ont fait le break, Rapinoe, clinique et survoltée, reprenant un centre fuyant de Heath que personne n'avait effleuré (65e). Un scénario cruel, mais vieux comme le foot.
Getty ImagesTout aurait pu s'arrêter net si Dunn n'avait pas vu son but refusé par la VAR à l'entame du dernier quart d'heure (75e). Les Bleues, encore en vie, ne pouvaient pas lâcher. Il suffisait d'une mèche allumée pour que tout s'embrase. Henry, encore et toujours, s'y est essayée (80e), comme Le Sommer juste après (81e). Mais c'est un coup de tête puissant de Wendie Renard qui a permis aux Bleues de s'offrir dix minutes de folie (1-2, 81e).
Les débordements de Cascarino, entrée en jeu côté droit, ont fait vaciller les Américaines, avant que l'incompréhension ne gagne le Parc lorsque la VAR n'a pas été sollicitée sur un centre de Majri contré de la main (85e). Mais les Américaines ont tenu jusqu'au bout, à l'expérience et au vice. La vérité, celle que l'on souhaitait fuir dans cette soirée où tout devait basculer, c'est que les Bleues paient encore pour appendre.