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ENTRETIEN - Gernot Rohr : "Au Nigeria, on y va avec humilité mais pour gagner"

À 48 heures d'un rendez-vous qui pourrait faire basculer l'histoire du football béninois, Gernot Rohr affiche une sérénité déconcertante. Installé à Uyo, dans le fief des Super Eagles, le technicien franco-allemand de 71 ans s'apprête à vivre l'un des moments les plus importants de sa riche carrière africaine. Mardi soir, son Bénin, leader inattendu du groupe C des éliminatoires africaines de la Coupe du Monde 2026, jouera bien plus qu'une simple qualification : c'est un rêve de 14,8 millions d'habitants qui se concrétisera peut-être sur la pelouse d'un stade hostile.

Le parcours accompli par les Guépards relève déjà de l'exploit. Privés de matchs à domicile depuis deux ans et demi, contraints d'évoluer en Côte d'Ivoire, les hommes de Rohr ont su transformer l'adversité en force collective. Leur première place devant le Nigeria et l'Afrique du Sud témoigne d'un travail méthodique, d'une organisation rigoureuse et d'une ambition assumée. Fidèle à sa réputation d'architecte d'exploits africains, Gernot Rohr a bâti une équipe solide, capable de rivaliser avec les géants du continent.

Dans cet entretien exclusif accordé à GOAL depuis le camp de base béninois à Uyo, le sélectionneur se livre sur la pression historique, ses ambitions tactiques et son rapport particulier avec le Nigeria, pays qu'il a dirigé pendant cinq ans et demi. Entre humilité affichée et ambition assumée, Rohr dessine les contours d'un match qui pourrait propulser le Bénin vers sa première Coupe du Monde.

Vous êtes à J-2 de ce qui pourrait être le plus grand jour de l'histoire du football béninois. Mesurez-vous cette immense attente et les attentes qui pèsent autour de vous, ou êtes-vous dans votre bulle, totalement concentré sur votre sujet ?

Gernot Rohr : Oui, à 48 heures de ce grand match contre le Nigeria, nous sommes bien installés ici à Uyo. On a déjà pu faire un premier décrassage samedi, puis ce dimanche (l'interview a eu lieu samedi soir, ndlr) on va enchaîner avec une vraie séance d'entrainement. Évidemment, on ressent cette attente immense au pays. Les gens rêvent maintenant de la Coupe du monde. On est à un match, on est à une victoire de cet objectif, qui est un rêve pour un petit pays comme le Bénin. Mais c'est réalisable. On y croit, parce que ces derniers temps, on est devenu une équipe solide, solidaire, collective, qui, même dans des conditions difficiles arrive à performer.  On a fait, depuis deux ans et demi, tous les matchs en dehors de notre pays, pas un seul à domicile. On a réussi à se hisser en tête de ce groupe aussi difficile, avec le Nigeria, avec le Rwanda aussi, qui est une bonne équipe, le Zimbabwe, qui est aussi qualifié pour la CAN, et avec évidemment l'Afrique du Sud.

Vous êtes leaders du groupe. Vous allez au Nigeria avec quelle mentalité ? Celle de gagner ? Ou essayer surtout de ne pas perdre car un nul peut vous qualifier ?

C'est vrai que nous sommes leaders, c'est vrai. Mais on reste humbles. On a envie de faire un bon résultat. Évidemment, on joue pour gagner à chaque fois. Ça peut paraître prétentieux de venir ici, au Nigeria et de vouloir gagner. Mais nous sommes obligés, en quelque sorte, car je pense que l'Afrique du Sud risque de s'imposer contre le Rwanda. Et à ce moment-là, ça peut se jouer au goal-average. 

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Quelles seront les clés d'une bonne performance au Nigeria, dans un climat hostile ?

Oui, le climat peut être évidemment hostile. Mais, nous essayerons d'avoir une certaine tranquillité, sérénité. Sur le terrain, ça se traduira par la volonté de poser le jeu. On essayera d'avoir une bonne possession du ballon. Nous avons un jeu qui est basé sur une bonne défense, avec des contre-attaques. C'est ce qu'on voudra pratiquer à Uyo.

Sur le plan personnel, ressentez-vous une revanche personnelle par rapport au fait d'affronter le Nigeria ?

Non, je ne ressens pas du tout une revanche contre "mon" ancien pays. Non, j'ai passé cinq ans et demi magnifiques ici, au Nigeria, avec une équipe très jeune. On était même l'équipe la plus jeune de la Coupe du monde 2018, en Russie. Et je vois déjà la plupart des garçons qui sont toujours là et qui font le bonheur de ce pays... Les Osimhen, Chukwueze, Iwobi, Ekong... On a en face de nous des garçons que j'ai coachés et que je revois avec plaisir.

Enfin, quel discours allez-vous tenir auprès de votre groupe lors de la dernière causerie ? Que le plus dur est fait et qu'il ne reste qu'à cueillir la récompense, ou que le plus dur reste à faire ?

Le discours que je vais tenir lors de ma dernière causerie ? Je pense que tout le monde est conscient du côté historique de ce match. Que c'est le dernier pas avant la Coupe du monde. Qu'on a envie de réussir cette dernière étape et que ce serait, pour la première fois dans l'histoire du Bénin, une réalité de disputer une Coupe du monde. Tout en étant humbles, nous sommes ambitieux.

Propos recueillis par Naim Beneddra

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