Abdoulaye Touré n'est pas un grand bavard, pas le genre à se montrer en dehors du terrain non plus. Dans le petit troquet de l'Île de Nantes où il nous a donné rendez-vous, le milieu du FC Nantes s'est assis dans un coin reculé où il a ses habitudes. Détendu à l'approche du derby face à Angers (samedi, 20h), il espère avant tout pouvoir entretenir la dynamique construite sur les cinq derniers matches. Sous les ordres de Vahid Halilhodžić qui en a fait une des pièces centrales de son collectif, Abdoulaye Touré étale également de hautes ambitions.
Après Rennes et Guingamp avant la trêve, le championnat reprend par un nouveau derby face à Angers. Lequel est le plus important ?
Abdoulaye Touré : Celui qui arrive est le plus important des trois parce qu’il peut nous permettre de continuer sur notre dynamique. On est sur une spirale positive et c’est un très bon test pour voir si on peut continuer sur ce chemin. Après, je suis formé ici donc forcément le match contre Angers est spécial.
Huit des quinze derniers buts nantais ont été inscrits par Emiliano Sala. Vous avez une arme redoutable...
Je suis presque étonné de voir comment les gens parlent de lui en ce moment. Il fait des efforts sans arrêt, il se replace tout le temps et garde toujours sa lucidité pour marquer. En plus, la manière dont il joue a un impact sur nous. Quand on le voit, on se dit qu’on n’a pas le droit de lâcher. C’est un moteur, quelqu’un qui, pardonnez-moi l'expression, fait chier les défenseurs. Cela nous permet d’être mieux en place. Il est le starter de tout notre projet de jeu.
Il semble tout de même avoir beaucoup gagné en efficacité, non ?
Je crois que l’arrivée du coach Vahid lui a fait beaucoup de bien. Il a cet oeil d’ancien attaquant, il lui parle souvent, il le conseille dans ses appels, la façon de décrocher et les timings… Emiliano est très à l’écoute, réceptif. Et ça fonctionne.
LE SAVIEZ-VOUS ? Emiliano Sala a marqué 11 buts en Ligue 1 depuis le début de la saison, aucun joueur des 5 grands championnats européens ne fait mieux (à égalité avec Kylian Mbappé)
Depuis le départ de Miguel Cardoso et l’arrivée de Vahid Halilhodžić, c'est toute l'équipe qui semble transformée. Comment l’expliquez-vous ?
Le coach Vahid est un ancien de la maison et pour lui c’était inconcevable de voir le FC Nantes à cette place là*. Son idée était de remettre en place une base défensive pour arrêter d’encaisser autant de buts. Il est arrivé avec cet état d’esprit, en nous parlant d’honneur et de combat avant tout. Avec son caractère et son charisme il arrive à tirer le meilleur du groupe. La mayonnaise a très bien pris parce qu’il n’est pas venu pour être la star. On a tout de suite senti qu’il était là pour l’amour du club et pour lui faire remonter la pente.
Lorsqu’il nomme Miguel Cardoso, le président explique sa volonté de créer du jeu, de ramener le FC Nantes a ses belles années. Était-ce mission impossible ?
Pourtant quand il est arrivé, sa philosophie basée sur le ballon plaisait à beaucoup de monde. Malheureusement ce qu’il a fait au Portugal n’a pas pris en Ligue 1 parce que le niveau est complètement différent. Et puis, il faut les joueurs pour…
Ce que propose Vahid Halilhodžić correspond mieux aux standards de la Ligue 1 selon vous ?
Je pense, oui. Du moins, c’est plus adapté. Je ne dis pas que Miguel Cardoso ne savait pas s’adapter aux équipes adverses ou au championnat. Mais il est arrivé avec une philosophie de jeu complètement différente qui vient du Portugal. Et avec tout le respect que j’ai pour le championnat portugais, il n’a rien à voir avec les exigences et le niveau de la Ligue 1.
Quelles sont les différences concrètes entre les deux coaches ?
Le coach Cardoso était plus dans le relationnel, il discutait avec les joueurs, il nous demandait notre avis. Ce n’est pas quelqu’un qui est dans le métier depuis des années, c’est peut-être pour ça… Avec Vahid, c’est complètement différent. Il est arrivé avec une façon de faire bien précise, plus directive à laquelle on doit s’adapter. Il le dit tous les jours, si quelqu’un n’est pas content de ce qu’il demande, il ne le retient pas.
C’est vrai que Vahid Halilhodžić a une réputation…
Oui mais il entretient son personnage parce qu’il est aussi dans l’humain. Après, c’est quelqu’un de très franc. Il ne se gêne jamais pour dire les choses. Si son message ne passe pas une fois, ce n’est pas le genre de personne qui va se répéter. Dès son arrivée il nous a dit que s’il était pas content d’un joueur en match, il était capable de le sortir au bout de cinq minutes. Ça plante le décor.
Et en termes de football, qu’est-ce qui change au quotidien dans la façon de faire ?
Le football de Miguel Cardoso était basé sur la possession. Il voulait qu’on reparte court avec le gardien et que tout le monde accompagne le ballon. Avec Vahid, on parle plus d’attaques rapides. Mais il est de la maison et il aime bien qu’on joue en une ou deux touches de balles, il demande beaucoup de mouvements et de clarté dans le jeu.
Depuis son arrivée, vous avez débuté et terminé tous les matches. Êtes-vous un de ses hommes de base ?
Je ne pense pas. Et si j’avais la prétention de dire ça il me taperait sur les doigts (rires). Pour lui, le groupe prime avant tout. Il n’y a pas de star, pas d’hommes de base.
Vos caractéristiques semblent quand même correspondre à ce qu’il souhaite mettre en place.
C’est vrai qu’avec ce qu’il demande il faut faire beaucoup de courses, montrer beaucoup de générosité et il a dû voir ça en moi. J’ai la chance de pouvoir donner tout ce que je peux et je prends tout ce qu’on me donne.

Vous avez même marqué votre premier but de la saison face à Guingamp avant la trêve. Vous sentez-vous plus en confiance aujourd’hui ?
Non parce que j’ai toujours eu confiance en moi, même lorsque j’étais sur le banc. Le coach demande aux milieux de se projeter, de se retrouver aux abords de la surface et même à l’intérieur pour essayer de marquer. À Guingamp, les trois milieux ont marqué et il en était très fier. C’est une partie du projet de jeu qui a payé et qu’on va essayer de réitérer.
À 24 ans vous entamez votre deuxième vraie saison en Ligue 1. Quelle est votre marge de progression ?
Je pense qu’elle est importante parce que j’ai à progresser sur tous les plans. Le coach est très pointilleux et il m’aide tous les jours à l’entraînement pour m’amener où je veux aller. En tant que milieu de terrain je me réfère toujours à Yaya Touré. À mon poste, il fait tout bien y compris des statistiques. J’ai encore beaucoup de travail. C’est quelqu’un qui m’inspire et je sais que si j’arrive à avoir le quart de sa carrière, j’aurais fait quelque chose de bien.
Vous êtes-vous fixé des objectifs, qu’ils soient sur le court ou le long terme ?
Oui, je veux faire une saison pleine et soigner mes statistiques personnelles. Aujourd’hui je peux être proche du but donc il faut que j’arrive à faire la différence dans les 30 derniers mètres, marquer, faire des passes décisives. Sur le long terme, je veux jouer un jour la Ligue des champions. C’est un objectif gravé dans ma tête.
** Au terme de la 8e journée, le club était 19e avec 6 points.
Propos recueillis par Julien Quelen, à Nantes.




