49c0b24764d91322960d892f686c467ed65304b8

ENTRETIEN - Sven Goran Eriksson : "Je ne suis pas sûr que la meilleure génération anglaise est celle que j'ai dirigée"

À la fin du siècle dernier, il était l'entraineur que tous les grandes équipes européennes s'arrachaient. Et c'était logique au vu de son expérience et du palmarès qu'il affichait. Au sommet de sa carrière, Sven Goran Eriksson a finalement choisi de tourner le dos à la scène des clubs pour s'occuper de la sélection anglaise. Un choix dont il se félicite encore aujourd'hui, même si son palmarès avec les Three Lions est resté vierge. Le technicien suédois est resté cinq ans à ce poste et il en garde beaucoup de bons souvenirs, en raison des joueurs de talent qu'il a pu entrainer et des compétitions qu'il a disputées (deux Coupes du Monde et un Euro).

Alors que l'Angleterre s'apprête à faire son entrée aujourd'hui en Coupe du Monde, avec un duel contre la Tunisie, Goal a contacté le coach scandinave pour qu'il nous parle de cette aventure Outre-Manche. Il évoque notamment les éliminations douloureuses en quarts contre le Brésil (2002) et le Portugal (2006). Il nous parle aussi du reste de son parcours sur le banc, et de cette passion pour le jeu qui demeure intacte. Bien qu'âgé de soixante-dix ans, il se dit d'ailleurs prêt à "replonger" au bout d'un an d'inactivité suite à son départ de Shenzhen (D2 chinoise).


"En 2006, tout le monde pensait qu'on irait plus loin que les quarts"


Comment allez-vous ? Votre dernière expérience c'était à Shenzhen, en Chine. Êtes-vous en attente d'un nouveau projet ?

Je vais bien. Je suis en Suède, dans ma maison. Si quelque chose d'intéressant se présente, je l'accueillerai et je retournerai au travail.

Vous êtes toujours aussi motivé pour continuer à travailler ? La retraite ne fait pas partie de vos plans ? 

Non, la retraite ne fait absolument pas partie de mes plans. J'aime le football. Et j'aime aussi la pression, le stress tous les dimanches. Allons-nous gagner ? Allons-nous perdre ? Allons-nous faire match nul ? Toute cette incertitude, c'est mon moteur. J'ai toujours aimé ça.

Depuis 2013, vous n'avez entrainé qu'en Chine. Quel regardez portez-vous sur l'évolution du football chinois en particulier. Et le football asiatique d'une manière générale ?

J'ai apprécié travailler en Chine. Et l'une des raisons à cela c'est que j'étais dans un pays où le football avance constamment. Le football local progresse, et on y voit de plus en plus de bons entraîneurs et de bons joueurs venir exercer leur métier. Ça tire vers le haut, y compris auprès des instances dirigeantes. Ils mettent beaucoup d'argent dans les infrastructures. Et ça va être profitable aux prochaines générations de joueurs. Le football chinois continuera à croître. Et j'en suis convaincu rien qu'en voyant ce qui a été fait ces dernières années. La Chine est devenue une puissance de football.

49c0b24764d91322960d892f686c467ed65304b8

Durant votre carrière, vous avez coaché beaucoup de clubs, mais aussi quelques sélections. Et en particulier l'Angleterre. Est-ce que c'est la mission, le job, que vous avez le plus apprécié ?

Eh bien, je dirais le rôle du sélectionneur de l'Angleterre était la plus grande mission que j'ai eue en tant qu'entraineur. Vous savez, en Angleterre, le football est connecté à toutes les choses de la vie et de façon incroyable. Je suis très fier d'avoir été là. Nous avons connu un certain succès. Mais, aujourd'hui, il y a une nouvelle équipe, un nouveau staff. Je suis toujours un grand supporter de l'Angleterre et j'espère que cette équipe fera une belle Coupe du Monde.

De l'avis de beaucoup de monde, c'est avec vous que l'Angleterre possédait la génération la plus forte sur le papier. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ? Et, n'y a-t-il pas un regret de ne pas avoir remporté de trophée avec cette sélection ?

Eh bien, nous avions une bonne équipe. Cela ne fait aucun doute. Mais est-ce l'équipe la plus forte ? Je ne sais pas. Outre-Manche, les gens disent que nous aurions dû gagner la Coupe du Monde en 2006. Pourtant, deux ans plus tard, quand je suis parti, ils ne se sont même pas qualifiés pour l'Euro. Donc, je ne sais pas comment les gens raisonnent. Mais, oui, en 2006, nous avions une bonne équipe. Je pensais que nous irions plus loin, et pas seulement moi, tous les joueurs et tout le groupe pensaient que nous ferions mieux que les quarts de finale. Nous ne l'avons pas fait. Nous avons perdu lors de la séance de tirs au but contre le Portugal.

Qu'est-ce qui vous a empêché d'aller encore plus haut à chaque fois ? Il y a eu le manque de la réussite, mais est-ce qu'il y a autre chose ?

Si vous rejouez tous ces matches encore une fois, vous pourriez peut-être changer quelque chose. Mais vous ne pouvez pas avancer dans la vie en raisonnant comme ça. Je pense que nous aurions pu faire mieux, mais nous n'étions pas mauvais non plus. Nous avons atteint deux fois les quarts de finale. En 2002, par exemple, nous avons perdu contre le Brésil et qui a ensuite remporté le titre haut la main.

Entre 2002 et 2006, quelle est l'élimination qui vous a le plus fait mal. Celle contre le Brésil ou le Portugal ?

Incontestablement, celle de 2006 contre le Portugal.

d4d479776f9c23b083d0380ab9d77dffcc5f1552

"L'Angleterre peut faire une belle Coupe du Monde"


Que pensez-vous de la sélection anglaise actuelle ? Nous avons l'impression que le potentiel et le réservoir humain a baissé. Etes-vous d'accord ?

Non, je pense qu'ils ont une bonne équipe. Avec beaucoup de jeunes joueurs talentueux. Une nouvelle génération. S'ils ne sont pas trop fatigués, et s'il n'y a pas beaucoup de blessures, ils peuvent faire une bonne Coupe du Monde. Je l'espère, et je le pense.

Vous êtes suédois, mais vous n'avez jamais entrainé la sélection de votre pays. Est-ce un regret ?

Oui peut-être. Mais, j'ai quitté la Suède en 1983. C'est vrai que j'étais proche à plusieurs reprises de ce job. Mais, pour certaines raisons, cela ne s'est jamais fait. Mais c'est sûr que ça laisse des regrets.

Il y a un match Suède-Mexique qui se profile. Deux sélections que vous devez connaitre assez bien. Quelles seront les clés de cette rencontre ? Et quels sont les atouts de ces deux sélections ?

Ce sera un groupe difficile avec l'Allemagne et la Corée du Sud également. L'Allemagne est censée terminer en tête du groupe, et ils vont le faire (ndlr, interview réalisée avant le match de l'Allemagne contre le Mexique). Ils ont une très bonne équipe. Ensuite, c'est très ouvert pour la deuxième place. Le Mexique et la Corée ont des joueurs rapides et techniquement très bons. L'équipe suédoise est physiquement très forte. Extrêmement bien organisée. Donc, ce sera deux styles différents de football. Ce sera très intéressant de voir les résultats de ce groupe. Et, bien sûr, j'espère que la Suède passera. Mais, ça sera serré.

La Suède va jouer sans Ibrahimovic pour la première fois depuis 2002. Pensez-vous que ça soit une bonne chose d'avoir définitivement tourné la page Ibrahimovic ? Que c'est mieux pour l'harmonie du groupe ? Ou, pensez-vous qu'un joueur comme Ibra ne peut qu'être un plus ?

D'une certaine façon, c'est difficile parce que Zlatan est Zlatan, et nous n'avons pas de second Zlatan, en Suède ou ailleurs. Il a guidé la Suède pendant de nombreuses années. Mais, d'un autre côté, il est important de se rappeler que durant les qualifications pour la Coupe du Monde et le barrage contre l'Italie, Zlatan n'était pas présent. Donc, c'est aux autres joueurs de jouer. Je pense que Zlatan a lui-même dit "non". Il se peut qu'il le veuille mais peut-être compte tenu de son âge...Enfin, je ne sais pas. Mais, de toute façon, c'est comme ça et il faut faire avec.

Vous avez connu une courte expérience en Afrique, en Côte d'Ivoire. Est-ce que cela vous plairait de retourner travailler sur ce continent ? Peut-être même que vous avez reçu des propositions ces dernières années de l'Afrique.

Je pense que c'est une sorte de rêve pour de nombreux entraîneurs que d'avoir un long contrat avec les pays africains. Le problème en Afrique, c'est qu'ils font les qualifications avec un entraineur, et quand la Coupe du Monde arrive, ils changent pour avoir un nom qui claque plus. Ainsi, ils recrutent un entraîneur pour deux, trois mois et quand la Coupe du monde se termine, ils le renvoient également. C'est une particularité africaine d'avoir ce genre d'engagement. Mais, je suis sûr que tôt ou tard, une équipe africaine remportera la Coupe du monde. Mais jusqu'à présent, ils ne l'ont pas fait. Il y a tellement de bonnes et sérieuses personnes qui y travaillent. Et un énorme talent parmi les joueurs du football.

9c59d8a739188cd35fb8e1ff76e055d3c99b8c32

"La défaite contre le Portugal en 2006 reste mon pire souvenir de coach"


D'une manière générale, durant votre longue carrière, y a-t-il une proposition que vous avez décliné et que jusqu'à aujourd'hui vous regrettez ? Ou alors un club ou une équipe nationale que vous pensez avoir quitté trop vite ?

Eh bien, quand vous êtes au sommet de votre carrière et que vous avez beaucoup de succès, vous avez des clubs qui viennent vers vous et qui vous font des propositions. Des clubs très attrayants. Mais, vous ne pouvez pas vous libérer. Et quand votre contrat se termine, vous constatez que les clubs qui vous convoitaient ont déjà fait appel à une autre personne. Mais non, je ne dirais pas que j'ai des regrets. J'ai eu de la chance. Jusqu'à présent, j'ai eu une très belle vie dans le football.

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière de coach ?

Comme je l'ai dit, le plus gros job que j'ai eu durant ma carrière, et dont je suis fier c'est celui de sélectionneur de l'Angleterre, surtout que j'y suis resté assez longtemps. Mais, je dirais aussi qu'à chaque fois que nous gagnions quelque chose de grand, de significatif, c'était génial. Nous avons gagné par exemple une coupe européenne avec Goteborg en 1982 et c'est la seule fois que cela s'est produit pour un club suédois. Et la conquête du Scudetto en Italie, avec une équipe qui n'est ni la Juventus, ni Milan, ni l'Inter, c'est toujours valorisant car cela n'est pas arrivé souvent.

Et le pire souvenir ?

La défaite dans la phase à élimination directe de la Coupe du Monde 2006 contre le Portugal. C'était inattendu et c'était aussi mon dernier match avec la sélection anglaise. Ce n'était pas un jour heureux.

Propos recueillis par Naïm Beneddra

Publicité