Jordy Gaspar Grenoble Ligue 2Getty

ENTRETIEN - Jordy Gaspar : "Monaco, ce n'était pas un bon choix mais c'était enrichissant"

Le souvenir de Jordy Gaspar dans la nuit de Séville est loin. En septembre 2016, le jeune latéral droit avait démarré le match de Ligue des champions de l'Olympique Lyonnais, son club formateur, qu'il quittera libre pour rejoindre le Rocher en juillet 2017. Après trois années de purgatoire à l'ASM, il effectue désormais un rebond remarqué à Grenoble.

Après trois années sans jouer au haut niveau, comment voyez-vous cette saison ?

Jordy Gaspar : Je ne me dis pas que c'est une saison où il va falloir que je prouve absolument. Je ne me dis pas que c'est une saison où je dois seulement prendre du plaisir ou me fixer des objectifs élevés à atteindre. Je veux prendre du plaisir, apprendre et prouver en même temps. Je viens avec une mentalité ambitieuse mais en toute humilité.

Pouvez-vous décrire vos émotions lorsque vous êtes entré sur la pelouse à Rodez lors de la première journée ?

Ce n'était pas mon premier match au haut niveau, donc j'étais un peu nostalgique. Je me suis souvenu que je joue au football pour ce genre de moments : être avec l'équipe une, et ça m'a rendu à nouveau amoureux du football. On peut dire que ce n'est que de la Ligue 2 mais il y a pire comme situation donc je savoure.

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Vous parlez de retomber amoureux. Vous avez été en rupture avec le football ?

Non pas forcément. Mais je maintiens que l'on joue tous au foot pour être avec l'équipe une. Pendant trois ans à Monaco, l'objectif c'était de jouer avec les pros ou de partir très vite mais malheureusement ç'a été plus compliqué. Là je reviens en L2, mes matchs passent à la télévision... sur les deux dernières c'était compliqué pour mes proches de me suivre. Mon père allait sur Internet pour regarder la CFA. Maintenant, tout le monde peut me voir, sait que ça va bien. C'est ce genre de réalité que je veux vivre. Enfin !

Comment résumeriez-vous vos trois années à Monaco ? Quel était le projet au départ ?

Le projet de Monaco était de miser sur les jeunes qui pourraient leur rapporter une plus-value. Le club sortait d'une saison où il avait beaucoup vendu et il recrutait des jeunes dans cette optique-là. Mon objectif était de venir à Monaco et d'essayer de tout faire pour avoir une petite place. On m'a dit qu'on me voulait mais on ne m'a pas vendu du rêve en me disant que j'allais être titulaire. Par contre, on ne m'a pas dit que j'allais être prêté au Cercle Bruges. Après un mois de préparation, j'ai dû partir en prêt en Belgique et Monaco m'a empêché de partir là où les clubs de L1 ou L2 me demandaient. Aujourd'hui, le Cercle Bruges est largement mieux. Mais les circonstances dans lesquelles je suis parti... les jeunes étaient livrés à eux-mêmes. Avec tout le respect que j'ai pour ce championnat, il était préférable pour les jeunes de Monaco de jouer en Ligue 2 ou National, qu'en D2 Belge. C'est comme si tu mettais tes joueurs à la cave pour que personne ne les voie.

Jordy Gaspar GF38 Ligue 2Getty

Pourquoi n'avez-vous pas pu partir les années suivantes ?

Des opportunités il y en a toujours eu, dans la mesure où des clubs se sont toujours intéressés. Mais c'était compliqué de négocier avec Monaco. Même dans les six derniers mois de mon contrat, leur objectif était de récupérer de l'argent alors que je ne valais plus ces sommes-là. Au début, tu te dis 'pourquoi cela n'arrive qu'à moi ?' Puis tu te rends compte qu'on a été vraiment nombreux dans cette situation. Quelque part ça rassure, tu te dis que c'est la mentalité et que tout le monde va devoir prendre son mal en patience.

Récemment, vous avez dit dans les colonnes du Progrès : "Beaucoup pensaient que le foot c’était mort pour moi..."

Beaucoup de gens qui me suivaient quand j'étais à l'OL se sont dits que j'avais disparu du jour au lendemain. Personne ne pouvait suivre le football en D2 belge. Et quand je reviens en France, je fais deux années de CFA. Forcément, on se dit Gaspar il va faire de la CFA ou un parcours en National parce qu'on ne le voit plus. Ce sont des choses que j'ai pu entendre ou qui me sont revenues aux oreilles. J'ai dit cette phrase car beaucoup de personnes pensaient que je n'allais pas rebondir dans le foot, en tout cas pas aussi bien que dans un club comme Grenoble, et que je n'allais pas me retrouver aussi en forme que ce que je suis en train de démontrer. Je reçois des textos de personnes qui me disent : 'on ne s'y attendait pas, ça fait plaisir'. Et je le prends parfois comme un : 'on pensait que tu allais régresser mais pour le coup tu m'épates encore. Je ne savais pas que tu tenais encore debout.'

Comment avez-vous réussi à rester en vie dans ce milieu ?

La première chose, c'est que je crois en Dieu et que peu importe ce qu’il m’arrive, je me dis que ça va toujours m’apporter un plus, et le plus important pour moi c'est de positiver et d’apprendre constamment, même de mes erreurs, et de progresser en fonction de ça. Ma foi m'a permis de ne pas me voir comme le petit malchanceux et de ne pas être dans une pensée négative. Ensuite, il y a ma famille, mes proches qui ont toujours cru en moi et qui n'ont jamais douté. Mon père et ma mère ont été de grosses sources d'encouragements pour tenir bon et aller chercher plus encore. Durant ces trois années, je pense aussi avoir passé un cap dans le travail invisible. Je me disais que c'était bien beau de vouloir revenir sous les projecteurs mais comment je fais pour y arriver parce que je joue en CFA. Et je fais des entraînements de CFA. Comment faire pour atteindre un niveau pro ? J'ai fait beaucoup d'entraînements avec un prépa physique, de suivi avec un kinésithérapeute ou un ostéopathe. J'ai essayé de profiter au maximum du cadre et du confort que j'avais pour ne pas sortir perdant de cette période-là. C'est ce qui m'a permis de ne pas me retrouver dans une situation, que ce soit physique ou avec le ballon, catastrophique.

Est-ce que vous avez des regrets sur ce choix de carrière ou vous vous dîtes que c’est en passant par la difficulté que l’on apprend ?

Je ne crois pas au hasard. Cette période m'a beaucoup fait grandir. Sans ça, je n'aurais peut-être pas pris conscience de certaines choses. Avec du recul, je ne serai peut-être pas parti à Monaco. Ce n'était pas forcément un bon choix mais c'était enrichissant. 

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