Metz Nantes Ligue 1

ENTRETIEN - Dennis Appiah (Nantes) : "On ne doit pas aller au Parc en victimes"

Quand Dennis Appiah (27 ans) prend la parole, on est rarement déçu. Droit dans ses bottes, le latéral droit n'est pas du genre à esquiver les sujets. Il est même plutôt de style à rentrer dans le détail. Ce qu'il a fait sans broncher avant PSG-Nantes, dans un grand entretien pour Goal. L'occasion de revenir sur son départ d'Anderlecht, ses premiers mois au FC Nantes. Et de conclure sur le PSG. Un gros morceau qui attend le FCN, mercredi au Parc des Princes (21h05).

Comment vous sentez-vous, à Nantes, dans ce nouveau cadre qui doit vous changer par rapport à Anderlecht ?

Dennis Appiah : C'est différent, mais je me sens très bien ici. Je me suis bien adapté. C'est une belle ville. J'ai juste des petits problèmes de bouchons, avec ma voiture, comme je pouvais en avoir à Bruxelles (rires). Mais je suis bien dans mon petit cocon, avec ma petite maison. Nantes est un très bon club, et je ne suis pas surpris, parce qu'on m'en avait dit beaucoup de bien. Les dirigeants sont super sympas. Ils ont tout fait pour m'aider à m'acclimater.

Était-ce acté depuis longtemps que vous alliez quitter Anderlecht l'été dernier ?

C'était mon souhait en tout cas. En mai, j'ai eu une discussion avec les dirigeants. Ils m'ont dit qu'ils ne voulaient pas me garder, et il fallait trouver une solution. On était d'accord sur ce point. Pas forcément sur les raisons... Mais le plus important, c'était qu'on soit d'accord sur le fait qu'on arrête là.

L'article continue ci-dessous

Vous aviez besoin de rejouer surtout ?

Il fallait qu'on ait confiance en moi aussi. Qu'on ne dise pas toujours que c'était de ma faute. Enfin, bref...

L'aventure n'avait pourtant pas trop mal démarré...

À vrai dire, je ne retiens pas que le négatif. La première année, avec Anderlecht on a été champions. La deuxième, on a joué la Ligue des champions. J'ai fait tous les matches. La première année, on a aussi fait une superbe campagne en Europa League. Je retiens des bonnes choses. C'est juste que sur la dernière année, ça s'est mal fini. Le club était un petit peu en difficulté. On a changé de coach, il y a pas mal de choses qui sont arrivées... Et c'était le désir des dirigeants de se passer de moi. Donc, à partir de là, il fallait trouver une solution, et je pense que j'ai trouvé une super solution en revenant en France, et en signant à Nantes.

Qu'est-ce qui vous a séduit à Nantes ?

Déjà, c'était un club de Ligue 1. Un championnat que je connaissais. Ça me permettait de revenir en France. En plus, Nantes, c'est un club emblématique, avec une histoire. Je connaissais des joueurs qui étaient passés par là, comme Adrien Trebel ou Kara Mbodj. Ils ne m'ont dit que du bien du club et de la ville. Je savais qu'en venant ici j'allais retrouver une certaine sérénité qui me permettrait d'être bien pour enchaîner les matches et montrer que malgré ce qui s'était passé en Belgique je n'étais pas fini. Je ne suis pas revenu en situation d'échec. Au contraire, je voulais montrer que j'avais appris des choses là-bas et que je revenais avec plus de force.

"Christian Gourcuff est un super coach, rigoureux, méticuleux et pragmatique"

Quand vous avez quitté Caen pour la Belgique, on parlait de vous comme d'un robot qui ne se blessait jamais. Là-bas, vous avez connu les blessures et l'éloignement des terrains. Comment avez-vous vécu cela ?

C'est vrai qu'à force de vous dire que vous êtes un robot, on a tendance à croire que rien ne peut vous arriver, jusqu'au jour où il vous arrive quelque chose... Ce qui a été le plus dur, c'est que j'étais dans un pays étranger. Je n'étais pas totalement acclimaté. Le groupe venait à peine de se reconstruire, et je me suis retrouvé éjecté. En plus, ça a duré plus longtemps que prévu. J'ai eu des doutes, ce n'était pas facile de revenir d'un point de vue mental, mais on a fait ce qu'il fallait et je suis revenu après.

Aujourd'hui, vous vous sentez plus fort mentalement ?

Ah oui, complètement ! Avec les blessures et toutes les péripéties que j'ai eues en Belgique, si j'arrive à jouer au foot encore maintenant, et à m'épanouir, c'est que mentalement je suis meilleur. J'ai beaucoup appris là-bas. J'ai travaillé différemment. Je connais mieux mon corps aujourd'hui, et je peux mieux le pousser dans ses derniers retranchements.

Ça vous a peut-être permis de mieux appréhender la blessure que vous avez eue avec Nantes le mois dernier ?

Je relativise sans doute un petit peu plus, même si un joueur, quand il est blessé, préfèrerait être sur le terrain. Ce n'était pas aussi long avec Nantes qu'avec Anderlecht, et j'avais une meilleure appréhension parce que je savais ce que c'était, et comment le soigner. J'ai une totale confiance dans le département médical de Nantes. Ils ont toujours été clairs avec moi, et il n'y a pas eu de problèmes pour réintégrer l'équipe.

Metz Nantes Ligue 1

Comment ça se passe pour vous avec le coach Christian Gourcuff ?

Tout se passe bien. C'est un super coach qui fait progresser l'équipe. Il prône le jeu. Il se penche sur les détails, sur le jeu de passes et le jeu au sol, tout en étant pragmatique aussi. Il ne veut pas qu'on prenne des risques inutiles, et préfère qu'on ait la possession du ballon dans le camp adverse plutôt que dans notre camp à ne rien faire. C'est quelque chose que j'aime plutôt bien. Il a des idées que je connaissais... Car même s'il n'était pas là quand je jouais contre Lorient, l'équipe avait gardé les mêmes principes de jeu. Je connaissais un petit peu les forces et les faiblesses de son système, ce qui m'a permis de vite m'adapter. Il n'y a aucun problème avec lui, on est capable de se parler quand ça ne va pas. Je peux aller le voir pour lui poser des questions. L'équipe aussi a adhéré à son système de jeu. Il trouve qu'on a un bon potentiel et qu'on n'y ait pas encore, mais on fait quand même de bonnes choses. En tout cas, il veut qu'on progresse, et je pense que tout le monde est dans l'optique de progresser collectivement et individuellement.

Que manque-t-il pour lui justement ?

Il nous manque une meilleure maîtrise pendant les matches. On l'a eu partiellement, comme sur le match contre Nice qui pour moi est notre match référence. On a eu la maîtrise, et c'est ça qu'il veut qu'on reproduise, à domicile voire à l'extérieur. Mais pour avoir la maîtrise, il faut des choses simples, sans perdre le ballon bêtement. C'est souvent ce qui nous pose problème. Quand c'est censé être facile, on a parfois une petite saute de concentration qui met l'adversaire en confiance. Et après, on a plus de difficultés. C'est surtout là qu'il faut qu'on mette l'accent parce qu'on se procure beaucoup plus d'occasions qu'avant. On a progressé là-dessus.

"À la 9e minute, quand tout le monde crie le nom d'Emiliano, c'est poignant"

Le coach vous demande d'être actif sur le plan offensif ?

À aucun moment, il ne m'a demandé de rester derrière et de défendre. Il aime que les latéraux apportent, sans forcément être un ailier. Il veut qu'on apporte au bon moment, en ayant une belle qualité de dernière passe, et en étant présent dans la construction du jeu forcément.

Quel est son caractère ? Il est "ronchon" ou plutôt paternel au quotidien ?

Avec certains jeunes, il peut être paternel c'est vrai. Mais avec nous il n'est pas "ronchon". Il est capable de rigoler et de faire quelques blagues, même s'il est toujours dans le travail. Il est méticuleux, dans la rigueur, et il arrive à séparer le moment où on est à l'entraînement pour travailler, et le moment où on peut être un peu plus cool. Il nous laisse un petit peu plus de liberté après les séances. Et c'est ce qu'on aime, je pense. Parce que pendant l'entraînement, il faut travailler, c'est normal. Mais après, il nous trouve assez grands et matures pour nous laisser gérer ce qui se passe en dehors du terrain.

Prendre les rênes de cette équipe après ce qui s'est passé la saison dernière avec le décès d'Emiliano Sala, ce n'était pas évident. Sentez-vous encore le contre-coup de ce drame ?

Forcément, ça se sent. On en parle peu entre nous, mais ce n'est pas un sujet tabou. Moi, je connaissais un petit peu Emiliano. J'avais joué avec lui. Alors, oui, ça marque. Mais là où je le ressens surtout, c'est au niveau du stade, quand on joue. À la neuvième minute, quand tout le monde crie son nom, c'est poignant. C'est quelque chose qui a marqué tout le monde, et je pense que ça a dû être difficile pour le coach de reprendre l'équipe à ce moment-là. Mais il est arrivé avec humilité et simplicité. Et je trouve que ça a pris assez vite.

Dans ce malheur, on sent le public encore plus proche de l'équipe aujourd'hui...

Moi-même, j'ai ressenti ça, même si je n'étais pas là avant. C'était vraiment tragique, et les gens continuent à nous en parler, à nous soutenir. Cette année, avec nos résultats, on a réussi à mettre le public derrière nous. On sent un vrai élan et une grande ferveur.

Dans votre équipe, il y a beaucoup de jeunes qui ont faim comme Louza, Youan, Basila voire Bamba. C'est un atout ?

Ça crée forcément une émulation dans le groupe. Tout le monde a envie de jouer, et c'est important que ces joueurs-là poussent ceux qui ont plus l'habitude de jouer pour ne pas s'endormir. Je sais qu'à un moment donné, ils auront leur chance car ils ont tous de la qualité. Pendant l'entraînement, ils sont au niveau. Maintenant, une carrière ça ne se joue à rien. Il faut qu'ils restent sérieux, mais ce sont des bons gars et de bons footballeurs.

"Si on est en professionnel, c'est pour affronter des joueurs comme Neymar et Mbappé"

Quelle est la force de votre équipe finalement ?

Une force collective. Il n'y a pas forcément de stars. On sait que personne chez nous n'est capable de faire la différence tout seul. Il y a des joueurs qui ont du talent, capables d'éliminer deux ou trois joueurs, mais on n'a pas de Ben Arfa, ou un Messi, capable sur un coup de sauver l'équipe. C'est une force et une faiblesse aussi, parce qu'on doit être à fond tout le temps. On a peu de marge et si on n'est pas tous investis on risque de perdre des matches qu'on était censé gagner, comme ça s'est passé à Metz ou à Strasbourg.

Face au PSG, mercredi, la moindre erreur se payera cash. Mais vous n'aurez rien à perdre...

On aura tout à gagner pour le coup, ça c'est vrai. Le tout, c'est de prendre ce match au sérieux, avec nos qualités. On va être en difficulté, il faudra défendre ensemble. Mais il faudra aussi attaquer parce que toutes les équipes qui défendent ne prennent pas de points contre Paris, surtout au Parc. Le but, ce sera d'être costaud dans notre organisation, de rester solide, et quand on aura le ballon de l'utiliser le mieux possible. Si on arrive à sortir de leur pressing, qui est très performant à la perte de balle, en trouvant un petit peu de profondeur, on peut leur faire mal parce qu'ils aiment bien défendre en avançant, et moins quand ça passe dans leur dos... C'est facile de le dire, je sais. C'est assez utopique, mais il ne faut pas avoir peur de le faire. On ne doit pas aller au Parc en victimes, sinon on déclare forfait 3-0, on reste à la maison et on prépare le match de dimanche. C'est une superbe rencontre à jouer, en plus. On a des Parisiens chez nous, des gars qui ont envie de se montrer, donc voilà, c'est cool.

PS Dennis Appiah

Pour le coup, vous avez joué contre Paris il y a deux ans et vous aviez perdu 4-0 et 5-0 avec Anderlecht. Vous connaissez les erreurs à ne pas commettre...

Je vais peut-être vous surprendre, mais le match aller n'est pas un si mauvais souvenir que ça. Excepté le résultat, je trouve que pendant 60 minutes on a été plutôt cohérent. Après, on n'a pas réussi à marquer, on a pris deux buts, et on a lâché au niveau physique. Ils étaient meilleurs que nous, mais c'était cohérent... Par contre le match retour, c'était un mauvais souvenir. On n'avait strictement rien fait, on n'avait pas été bons.

Il y avait déjà Neymar et Mbappé à ce moment-là...

Oui, et ces grands joueurs seront encore là mercredi. Mais c'est pour ça qu'on a envie de jouer contre Paris. On a envie de se confronter à des grands joueurs. Sans vouloir manquer de respect, on n'est pas là que pour affronter des joueurs de réserve, de CFA ou de district. Si on est en professionnel, c'est pour affronter les meilleurs. Une fois qu'on est en place, il faut en profiter et jouer même si là, pour nous, je pense qu'il faudra plus parler de performance que de résultat.

On ne sait jamais, non ?

Oui, on ne sait jamais. Ils sont prenables aussi. Ils ont laissé certains matches, mais le tout c'est de se concentrer sur nous, et après on verra ce qui se passe.

"Mbappé ? C'est l'attaquant en devenir que tout le monde rêve d'avoir"

Que pensez-vous de ce PSG par rapport à celui que vous avez affronté en 2017 ?

Je les trouve très, très forts. Mais pour moi, ils sont plus dans la gestion que les dernières années lors des matches de championnat, par rapport à leur calendrier. Avant, ils déroulaient, ils explosaient tout en championnat. Maintenant, je trouve qu'ils sont davantage dans la gestion. Ça ne les dérange pas de gagner des matches 1 ou 2-0 alors qu'avant, à partir du moment où il y avait 2-0, c'était à celui qui marquait le plus de buts.

Le fait qu'ils n'aient pas joué dimanche à Monaco change-t-il quelque chose pour vous ?

Ça ne tombe pas très bien... Ils auront plus de fraîcheur, mais ce ne sera pas une excuse. Ils ont l'habitude de jouer tous les trois jours, et pour une fois ce sont eux qui auront un peu plus de chance. Malgré ça, il faudra qu'on soit prêt. On s'est reposé pour être bien pour ce match.

Vous allez retrouver Mbappé, qui n'était pas encore Champion du monde quand vous l'avez affronté il y a deux ans. Que pensez-vous de sa progression ?

Elle n'est pas encore finie. Il ne fait que monter, et encore monter... (rires). S'il continue sa route, sans pépins, il va aller très, très haut. Je trouve qu'il maîtrise très bien sa carrière avec son entourage. Le foot, il connaît. Il sait jouer. Il faut juste qu'il ne soit pas trop blessé, qu'il continue à vouloir être le meilleur sans faire de "chichis", mais en étant efficace comme il le fait depuis deux ans. Et après, il atteindra les sommets. Mais c'est un super joueur, qui va très vite, qui a de grosses qualités physiques, et qui est capable de marquer beaucoup de buts, donc forcément c'est un attaquant en devenir que tout le monde rêve d'avoir.

Il a fini 6e du Ballon d'Or lundi. Peut-il le remporter un jour ?

Bien sûr qu'il a les qualités pour. Maintenant, il faudra voir qui il y aura en face de lui, quel niveau il aura aussi. Ça dépendra de ce qu'il gagne, de son état de forme, de ses blessures, de pleins de paramètres... D'ailleurs, on avait dit que Neymar pouvait l'avoir, et pour l'instant, il ne l'a toujours pas. Il doit surtout se concentrer sur ce qu'il fait de bien en club et en sélection, et avec un petit peu de chance il finira par l'avoir.

Comment peut-on le décrire du coup ?

Il n'y a rien à dire. Il est super performant. Mais je ne veux pas trop en dire non plus, parce que je vais jouer contre lui là (rires).

Propos recueillis par Benjamin Quarez

Publicité