Darko PancevGetty

Darko Pancev : "Messi et Ronaldo n’auraient pas marqué autant de buts à notre époque"

Son nom ne dit peut-être pas grand-chose aux plus jeunes, mais dans les années 90, il faisait partie des attaquants les plus prisés du circuit. Il s’agit de Darko Pancev. Celui qui mène aujourd’hui une vie paisible dans sa ville natale de Skopje a été l’un des meilleurs joueurs qu’a enfantés le football yougoslave. Il incarnait le symbole d’une génération dorée avec les Suker, Boban, Savicevic et cie. Même s’il n’a pas fructifié toutes les attentes qu’il suscitait lorsqu’il a quitté son pays, il reste une légende et surtout la fierté de la Macédoine. Goal France a pu s’entretenir avec lui, et évoquer de nombreux sujets intéressants. Pancev revient notamment sur son Soulier d’Or, ses exploits avec la Yougoslavie, la finale de C1 gagnée contre l’OM, son passage compliqué à l’Inter et aussi la rivalité entre Lionel Messi et Cristiano Ronaldo.

« Je suis pleinement satisfait de la carrière que j’ai eue »

Dites-nous pour commencer ce que vous devenez aujourd’hui et ce que vous faites ?

Darko Pancev : Aujourd'hui, je profite de ma vie avec ma famille. Il y a un an, j'étais directeur sportif au FK Vardar, je suis le football du monde entier. Je vois mes amis et aussi mes proches. Pour résumer, je vis une vie tout à fait normale.

Vous n’avez jamais été coach, cela ne vous a pas intéressé ?

Ça ne m’intéressait pas de devenir entraîneur, parce que je sais que c’est vraiment difficile, tout comme être footballeur. Et c’est pour cette raison que je n'ai jamais voulu de ce métier. Mais, j'ai travaillé plusieurs fois en tant que directeur sportif dans le football, ce qui signifie que j'étais quand même assez actif.

Avec le recul, comment jugez-vous votre parcours de joueur ?

J'ai eu une riche carrière dans le football et je suis pleinement satisfait des résultats que j’ai obtenus. Sur mon CV figurent : quatre titres de champion de Yougoslavie, un doublé en Suisse, une coupe de l’UEFA avec l’Inter, une coupe des champions avec l’Etoile Rouge, une Coupe intercontinentale. J’ai aussi été quatre fois meilleur buteur du championnat yougoslave, j’ai été soulier d’or européen et j’ai fini 2e au classement du Ballon d’Or 1991. Et je détiens toujours le record du plus jeune meilleur buteur d’un championnat national. Je l’ai été avec le Vardar Skopje en 1984 alors que j’avais à peine 18 ans. Avec tout ça, j’ai de quoi être satisfait de ma carrière.

8791466aa1938b412bfae2f0ecadb250080d58fd

« Face à l’OM en 1991, tout ce qui importait c’était la victoire »

Quelle a été la meilleure période de votre carrière de joueur ?

J’ai joué trois années à l’Etoile Rouge et durant toutes les saisons, on a joué un très bon football. On avait une très grande équipe. Et j’étais une machine de buts au sein de cette équipe.

En 1991, vous avez été couronné champion d’Europe après une victoire face à l’OM. En France, on garde un triste souvenir de cette soirée. Et vous, quels souvenirs en gardez-vous ?

Je me souviens que c’était un match compliqué et peu spectaculaire, je l’avoue, avec très peu d’occasions de but. Une grande prudence tactique des deux côtés et une bataille psychologiquement difficile. C’est ce qui a fait que notre équipe, qui jouait un football attrayant d’habitude, n'a pas joué à son niveau. Mais ce qui était important c’était la victoire à la fin.

Vous avez été Soulier d’Or européen en 1991. Ce prix a une signification particulière pour vous ? Ou c’est une récompense comme une autre ?

Si, bien sûr, c'est un prix très particulier, et je suis très heureux de faire partie de ces joueurs, qui ont été meilleurs buteurs en Europe sur une saison. Et j’en profite pour dire encore grand merci à toute notre équipe et au jeu qu’on a produit. Car c’est ce qui m’a permis d’empiler autant de buts.

Il y a aussi cette impression que vous n’avez pas été très chanceux durant votre carrière. Les blessures ne vous ont pas épargné et ont freiné votre ascension. Partagez-vous ce sentiment ?

Au cours des 10 premières années de ma carrière, tout a été formidable et jalonné de nombreux succès. Mais, au cours de mes dernières années de carrière, j’ai connu des moments plus difficiles. J’ai fait un mauvais choix de carrière en rejoignant l'Inter. En raison de mon entraînement irrégulier, les blessures sont arrivées. Bien sûr, par la suite, la fin de ma carrière n’a pas été aussi exaltante que les premières années de mon parcours.

e927549329b420711306345a056878847378c179

« Ma plus grosse erreur a été de rejoindre l’Inter Milan »

Sans les blessures, pensez-vous que vous auriez connu une plus grande carrière ? A l’instar peut-être de ceux que vous avez côtoyé en sélection comme Davor Suker, Zvonimir Boban, Dejan Savicevic et cie. Ceux qui ont réussi à briller à l’étranger.

Je pense que oui, bien sûr, mais ma plus grosse erreur a surtout été de rejoindre l'Inter. Parce que je suis allé dans une équipe où il y avait une très mauvaise atmosphère. Une équipe qui jouait de manière trop défensive. Et en tant qu'étranger, ils m'ont regardé différemment, et je pense qu'ils n'étaient pas assez favorables pour que je m'adapte facilement. Mais, l'erreur est la mienne, car j'aurais pu aller dans d’autres équipes, comme le Real Madrid, le Barça, Manchester, qui me voulaient tous à cette époque.

Qu’est ce qui s’est passé à l’Inter Milan ?

Il y a eu les blessures déjà, mais elles étaient arrivées un peu plus tard, lors de ma deuxième année chez eux. Au début, et comme je l'ai déjà mentionné, je n'ai pas été suffisamment soutenu par le club. Il n'y avait pas beaucoup de relations humaines dans cette équipe. Certains cadres de l’équipe ont influé sur Osvaldo Bagnoli, qui était un entraîneur sous pression, pour qu’il mette Salvatore Schilacci aux avant-postes parce qu’ils étaient collègues en sélection et pour qu’il ait plus de possibilités pour jouer. C’est pourquoi je vous ai dit, en tant qu’étranger venu dans un nouvel endroit, je n’étais pas soutenu et accepté. Après y avoir réfléchi, j’ai rapidement discuté avec l’entraîneur et la direction de l’équipe, et il était clair que mon chemin n’était pas sur la bonne voie.

Pensez-vous que la presse italienne a été trop dure avec vous ?

Oui, absolument. Pas sympa du tout, mais, je le répète, en regardant en arrière aujourd’hui, il est logique que leurs journalistes protègent d'abord l'Inter plutôt que moi. Et j'ai été victime de tout ça.

« N’était-ce la guerre, on aurait gagné au moins deux tournois majeurs avec la Yougoslavie »

Avec la Yougoslavie, vous avez connu beaucoup de succès à la fin des années 80 et au début des années 90. Vous étiez personnellement le danger numéro 1 de cette brillante équipe. La Coupe du monde 1990 vous laisse-t-elle des regrets ou est-ce quand même un excellent souvenir ?

Lors de la coupe du monde en Italie en 1990, nous avons fini à la 5e place, et c'était une belle place conquise. Mais peut-être qu'avec un peu de chance, nous aurions pu accéder non seulement aux demi-finales, mais aussi à la finale. Un grand regret oui, par rapport au fait que des forces extérieures, aidées par certains éléments en Yougoslavie, aient détruit ce pays, car je pense que cela aurait été la période la plus « fertile » footballistiquement pour notre pays. Une belle génération était en route et je suis sûr que pendant une décennie, nous aurions pu gagner au moins deux trophées internationaux majeurs. Au vu de la génération qu’on avait, et qui aurait dû dominer le football mondial, il est triste que la Yougoslavie ait été détruite.

Il y a eu donc cette guerre civile et qui a abouti à votre suspension de l'Euro 1992. Est-ce difficile de repenser à ce scénario, avec le succès du Danemark qui vous remplace ? Ou est-ce que vous vous dites simplement que c’est le destin ?

Durant les qualifications pour ce tournoi, la Yougoslavie a été la plus performante et a été la première à se qualifier dans toute l’Europe. J'étais le meilleur buteur des 8 groupes de qualification avec 10 buts inscrits. Mais, la politique s'est mêlée et pour la première fois dans l'histoire du football, un pays a été exclu d'un grand évènement à cause de la politique justement.

Quelle est la plus grande fierté de votre carrière ?

Il y a beaucoup de beaux moments dans ma carrière, je ne pourrais pas vraiment en choisir un en particulier. Car j'étais heureux de remporter tous les trophées que j'ai gagné, en tant que joueur et en tant que joueur attiré par les buts.

Et quel est le plus grand regret de votre carrière ?

La plus grosse erreur et le plus grand regret est d’avoir signé pour l’Inter Milan. Je pense que quand j'y suis allé, j'avais pratiquement l'impression d'avoir terminé ma carrière prématurément.

Parlez-nous de votre surnom, le « Cobra ». Comment vous a-t-il été attribué ?

Ce surnom m'a été donné par le coach de l’Etoile Rouge, car selon lui, je surgissais dans la surface de réparation plus vite que quiconque. Et cela lui rappelait la réaction d'un serpent dans les bois.

Continuez-vous à suivre les résultats de l’Inter ?

Rarement, je suis surtout ceux de l’Etoile Rouge ou de Vardar Skopje.

À l’Inter, aujourd’hui, il y a un attaquant qui brille et qui s’appelle Lautaro Martinez. On l’annonce au Barça. Doit-il rester ou rejoindre le club catalan ?

Vu que c’est un très bon buteur, le mieux pour lui est d'aller dans une équipe qui est plus solide défensivement. Parce que tout bon attaquant et peu importe sa qualité, il sera toujours dépendant de l’équipe et de son jeu défensif, au même titre que de sa créativité. Et si cela n'existe pas dans une équipe, aussi bon vous êtes dans votre registre, il vous sera difficile d’en tirer vraiment profit.

b46b29edf5c50f94a3ae41115c29ec6e4fe3d1f0

« Aujourd’hui, il est plus facile d’être attaquant qu’à notre époque »

Quelle est votre préférence entre Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, qui vous ont succédé au palmarès du Soulier d’or notamment ?

Ce sont deux grands joueurs, qui ont marqué leur époque. En même temps, ce sont deux joueurs très différents, et il est difficile de faire une comparaison. Ronaldo est un meilleur buteur que Messi, et d'un autre côté, Messi est plus créatif, avec un sens plus aiguisé du jeu, et qui délivre plus de passes décisives que Ronaldo. En conclusion, je pense toujours que tous les deux sont de grands joueurs.

Beaucoup d’observateurs estiment que Messi et Ronaldo n’auraient pas été capables de marquer autant de buts durant votre période, ou celles des Maradona, Van Basten, etc… Parce que les attaquants n’étaient pas aussi protégés à cette période. Êtes-vous d’accord ?

C'est vrai, chaque personne qui a suivi le football au cours des 20-30 dernières années, peut clairement reconnaître la différence, et remarquer que de mon temps et jusqu'en 2005 je dirais, les joueurs n'étaient pas aussi protégés, ils étaient mis à rude épreuve. De nos jours, jouer devant est une grande satisfaction, car la façon de défendre a changé, les duels sont moins rugueux et la surface de réparation est plus surveillée et c'est un moyen plus facile de marquer des buts. Sur cet aspect-là, quand vous jouiez au football, vous marquiez beaucoup de buts, car avec les caractéristiques que j'avais et mon sens de but, je suis sûr que j'aurais été meilleur si je jouais à la période actuelle.

Dernière question, comment ça se fait que la Macédoine n’a toujours pas participé à un tournoi majeur ?

Le plus gros problème est que le championnat macédonien est vraiment faible, l'un des plus faibles même de la région. À cause de cela, il est plus difficile d'avoir des joueurs performants et aguerris aux joutes européennes. Et c'est pourquoi nous devons toujours attendre que nos joueurs qui évoluent à l’étranger élèvent le niveau général.

Propos recueillis par Naim Beneddra.

Publicité

ENJOYED THIS STORY?

Add GOAL.com as a preferred source on Google to see more of our reporting

0