Cette édition de Ligue des champions a quelque chose de spécial. Elle fait naître des sentiments qui s'entremêlent au gré de ses soirées à couper le souffle. Il était difficile, mercredi soir, de ne pas avoir une pensée pour les joueurs de l'Ajax, cette bande de jeunes loups aux dents longues qui a éveillé les doux souvenirs du passé et émerveillé l'Europe. Mais la prestation personnelle de Lucas ne peut laisser personne indifférent. Raillé, si souvent, pour son inconstance et sa tête dans le guidon, le Brésilien est monté dans les cieux d'Amsterdam.
Lucas du siècle
Rembobinons un peu le film. Le match de Lucas a été un acte en trois temps. Le premier, au meilleur moment, à l'entame de la seconde période, a permis à Tottenham d'injecter le doute dans les têtes amstellodamoises (55e). Le second, quatre petites minute plus tard, a fait passer le rapport de force dans une autre dimension - tactique et psychologique (59e). Et le troisième, au bout de la nuit, a plongé toute une arène dans la stupeur. C'était un coup de grâce, le sien, autant qu'un coup de couteau. Sur ses trois buts, le Brésilien affiche un relâchement remarquable dans sa finition, comme pour rappeler ce qu'il peut être, à l'avenir : un joueur de stats. Il l'avait d'ailleurs été lors de la saison 2016-17 en étant le deuxième attaquant le plus décisif du PSG d'Emery derrière Cavani, par exemple. Et puis au-delà de ces buts, l'ailier de poche s'est attelé à être juste dans ses transmissions et incisif dans ses percussions. Son déchet, assez minime, est aussi à souligner.
LA STAT - Lucas Moura est devenu le 5e joueur à inscrire un triplé lors d'une demi-finale de Ligue des Champions après Alessandro Del Piero, Ivica Olic, Robert Lewandowski et Cristiano Ronaldo.
Ajax 2-3 Tottenham, Lucas Moura et les Spurs l'emportent au bout du suspense !
Il faut se souvenir d'où vient ce garçon. Lucas a traversé la Manche il y a un an et demi, au cœur de l'hiver, dans un relatif anonymat, après être devenu le dernier maillon dans la hiérarchie de l'attaque parisienne. Pendant ses cinq années dans la ville lumière, la lecture de son niveau n'a jamais été claire. Acheté un peu plus de 40 millions d'euros à Sao Paulo en 2013, il a porté plusieurs costumes, mais son statut, lui, n'a pas changé. Prospect, puis espoir, éternel espoir et valeur marchande. Les doutes accompagnaient encore le Brésilien lorsqu'il s'est envolé pour Londres, à Tottenham, un club où les circuits offensifs sont rodés et où les têtes d'affiche pullulent en attaque. "J'ai toujours cru en mes qualités, je savais que je pouvais jouer dans un grand club. La critique fait partie du foot, ça me fait travailler encore plus, la réponse que je dois donner elle est pour mon coach et mon équipe", a-t-il rappelé sobrement au micro de RMC Sport.
Getty ImagesIl faut se souvenir d'où vient Tottenham, aussi. Lucas a inscrit trois buts pour rendre possible l'impossible à Amsterdam, mais il avait déjà joué un rôle crucial en propulsant les Spurs en huitièmes de finale avec son égalisation à Barcelone (1-1), dans le dernier match d'une phase de poules très mal entamée par le club londonien. Dans cette épopée historique, il est, à sa manière, l'autre joueur clé de l'écurie britannique derrière le Sud-Coréen Heung-min Son. Les propos du maître à jouer Christian Eriksen en disent long sur la vision des dinosaures du vestiaire à son égard. "On a gagné ce match grâce à Lucas, ça a été un ascenseur émotionnel. J'espère qu'on lui fera une statue !" . Le défenseur belge Toby Alderweireld a quant à lui rappelé que le Brésilien "méritait plus de reconnaissance", quand Mauricio Pochettino l'a qualifié de "super héros parmi les héros".
"C'est impossible d'expliquer ce moment" , a confié le principal intéressé sur RMC, sans chercher à cacher son émotion. "Tous les joueurs cherchent des moments comme ça. Depuis que je suis petit je rêve de gagner la Ligue des champions et maintenant j'ai l'opportunité de jouer la finale. Je suis très content, très fier de mon équipe. J'ai toujours cru que ce moment allait arriver. Il faut en profiter. C'est impossible d'expliquer mon émotion. J'ai dit plus tôt que Dieu peut toujours arriver avec quelque chose qui nous surprend. On a tous travaillé. Ce n'est pas que moi, c'est toute l'équipe qui a travaillé. On le mérite ! Je pense qu'on était bien en première mi-temps mais on a donné deux buts faciles. On n'a pas profité de nos opportunités. En deuxième mi-temps on devait tout donner parce que c'était le match de notre vie. Le foot est incroyable". Lucas ne croit pas si bien dire. En France, même Neymar a tenu à lui adresser un petit mot sur son compte Instagram. "Très heureux pour toi mon frère, tu le mérites !" L'occasion pour le héros du soir d'adresser un ultime remerciement , tout en pudeur. "Neymar est incroyable, il a déjà gagné la Ligue des champions. C'est un cadeau pour ma famille, mes amis qui m'aident tout le temps...".




