Ederson TraffordGetty/GOAL

Trafford : le "gamin de classe mondiale" qui vient pour prendre la place d'Ederson

Cole Palmer le savait. Deux ans avant d'avoir fusillé du regard Donald Trump lors de la remise du trophée du Mondial des Clubs, l'attaquant était devenu viral pour une tout autre réaction, en toute fin de finale. C'était lors du Championnat d'Europe des moins de 21 ans, dans les dernières secondes du match entre l'Angleterre et l'Espagne. Alors qu'il était sur le banc, il a regardé James Trafford faire face à Abel Ruiz pour un penalty décisif.

Un coup franc dévié de Palmer avait mis l'Angleterre sur la voie royale, mais un penalty accordé par la VAR dans les arrêts de jeu offrait à l'Espagne une chance parfaite d'égaliser. Pourtant, Palmer, qui avait grandi avec Trafford au centre de formation de Manchester City, avait une intuition.

« Je parie qu'il l'arrête. Regarde bien », a-t-il lancé. Et lorsque Trafford a repoussé le penalty de Ruiz, puis la reprise d'Aimar Oroz, son coéquipier Emile Smith-Rowe s'est tourné vers lui : « Cole ! Tu l'avais dit ». La réponse de Palmer a fusé : « Tu sais à quel point il est fort ? Tu sais à quel point il est fort ? »

Pourtant, à ce moment précis, City ne semblait pas le savoir, puisque le club venait tout juste d'autoriser son transfert à Burnley. Ou plus exactement, ils ne le croyaient pas encore tout à fait prêt. Mais ils devaient bien avoir un pressentiment, puisqu'ils avaient inséré dans son contrat une clause leur permettant d'égaler toute offre future.

L'offre récente de Newcastle pour Trafford a forcé City à prendre une décision. Et ils ont décidé de sauter sur l'occasion, faisant revenir un gardien qui avait quitté le club en 2023 sans jamais avoir joué en équipe première. Maintenant, le prochain grand dilemme se présente à Pep Guardiola : commencer la saison 2025-2026 avec Trafford, ou continuer à faire confiance à Ederson ?

  • James Trafford BurnleyGetty

    Le parcours du combattant

    James Trafford a rejoint l'académie de Manchester City en 2015, à l'âge de 12 ans. En 2021, désireux de goûter au football senior, il est parti en prêt, d'abord à Accrington Stanley en troisième division, puis à Bolton. Il a prolongé son séjour d'une saison supplémentaire avant de faire le grand saut pour rejoindre Burnley, fraîchement promu en Premier League sous la houlette de la légende de City, Vincent Kompany.

    Ses débuts en Premier League, une défaite 3-0 contre City, ont été le prélude d'une saison décevante, tant pour Burnley que pour le gardien, qui a fini par perdre sa place au profit d'Arijanet Muric. La goutte d'eau pour Kompany fut une passe ratée contre Crystal Palace qui a entraîné l'expulsion d'un coéquipier. Mais après la relégation de Burnley, Muric est parti à Ipswich, tandis que Trafford est resté en Championship.

    C'est en deuxième division que Trafford a redoré son blason et atteint un statut de légende. En janvier, il a arrêté deux penaltys dans le même match contre Sunderland. Le mois suivant, il a dépassé la barre des 1000 minutes sans encaisser le moindre but. En mars, il a battu un record du championnat en réalisant un 12e "clean sheet" consécutif. Burnley a terminé la saison avec seulement 16 buts encaissés, pulvérisant le précédent record, et Trafford a disputé tous les matchs, sauf un. La rédemption était totale.

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  • Ederson Man CityGetty

    La fébrilité d'Ederson

    Pendant que Trafford réalisait ses exploits en Championship, son ancien club connaissait des problèmes de gardien inhabituels. Manchester City a encaissé 44 buts en Premier League, son pire total depuis 15 ans, et Ederson a souvent été pointé du doigt. L'international brésilien a même été mis sur le banc pendant trois semaines après une prestation catastrophique contre Feyenoord en novembre, où il était en partie responsable des trois buts encaissés. À son retour contre la Juventus, il a de nouveau livré une performance inquiétante.

    Ce qui a sauvé Ederson, c'est que sa doublure, Stefan Ortega, a également connu des difficultés. L'Allemand a encaissé 17 buts en 10 matchs de championnat. Guardiola l'a publiquement critiqué après deux buts encaissés en fin de match à Brentford, juste avant qu'il n'en prenne cinq lors de la déroute face à Arsenal. Sa saison s'est terminée sur une note encore plus basse, avec une défaite en finale de la FA Cup.

    Le départ d'Ortega est attendu, ce qui signifie qu'Ederson sera le principal concurrent de Trafford pour le poste de numéro 1. Cependant, l'avenir du Brésilien reste flou. Il voulait déjà partir à l'été 2024 pour l'Arabie Saoudite, et Guardiola avait dû le persuader de rester. Cet été, des rumeurs l'ont envoyé à Naples et à Galatasaray. Même s'il a qualifié ces informations de "fake news", le doute persiste.

  • Ederson GuardiolaGetty

    Une concurrence idéale ?

    Les spéculations sur l'avenir d'Ederson devraient se poursuivre, alors qu'il entame la dernière année de son contrat. Il fêtera ses 32 ans au lendemain du premier match de la saison. Et contrairement à Ortega, il est désormais en concurrence avec un joueur de neuf ans son cadet, qui arrive dans les meilleures années de sa carrière.

    Sur le papier, la situation semble idéale pour tout le monde. Ederson peut commencer la saison en tant que numéro 1, avec la pression de Trafford pour le maintenir au plus haut niveau. Et si aucun accord de prolongation n'est trouvé, il sera libre de choisir sa prochaine destination en fin de saison. Trafford, lui, sera alors prêt à prendre le relais.

    Mais ne vous y trompez pas : James Trafford n'est pas revenu à Manchester City pour chauffer le banc, même pour un an. Il est réputé pour sa confiance en lui inébranlable et il est persuadé d'avoir le niveau pour être titulaire dès maintenant. Il n'a d'ailleurs jamais hésité à clamer haut et fort ses ambitions, déclarant à un journaliste après une victoire de Burnley : « Je sais que je suis de classe mondiale ». Et même s'il évoluait en deuxième division, ses performances au cours des douze derniers mois ont été d'un niveau bien supérieur à celles d'Ederson.

  • Burnley FC v Sunderland AFC - Sky Bet ChampionshipGetty Images Sport

    Le duel des statistiques

    Si James Trafford a si peu encaissé de buts, ce n'est pas uniquement grâce à la défense de fer de Burnley. Les chiffres sont éloquents. La saison dernière, il a fait face à 103 tirs cadrés et en a arrêté 85, soit un pourcentage d'arrêts de 85 %. Ederson, en comparaison, a subi 78 tirs cadrés et n'en a repoussé que 53, pour un pourcentage de 69,2 %.

    L'avantage de Trafford se confirme avec des statistiques plus poussées. En utilisant le modèle des "Post-Shot Expected Goals" d'Opta, qui mesure la probabilité qu'un gardien arrête un tir, on constate que Trafford a "évité" 11,8 buts de plus que ce qui était attendu. Le chiffre pour Ederson n'est que de 5. Même en tenant compte de la différence de niveau entre la Premier League et la Championship, les données suggèrent que Trafford a été un meilleur gardien sur sa ligne la saison dernière.

    En ce qui concerne les sorties sur les centres, les deux gardiens affichent des performances similaires. En revanche, Ederson conserve un avantage net dans son domaine de prédilection : le jeu hors de sa surface. Il a réalisé 1,9 action défensive en dehors de sa surface par match, à une distance moyenne de 16 mètres. Trafford, lui, n'en a réalisé que 1,11, à une distance moyenne de 13 mètres.

  • Manchester City FC v AFC Bournemouth - Premier LeagueGetty Images Sport

    Le jeu au pied : un monde d'écart

    C'est dans le jeu au pied qu'Ederson conserve une avance considérable. Si le Brésilien est un maître de la relance courte, son plus grand atout reste sa capacité à créer des attaques instantanées par des passes longues et précises. Peter Schmeichel l'expliquait parfaitement à GOAL l'année dernière : « Quand les équipes adverses ont le courage de presser haut, il devient une arme létale. Il a cette passe qui peut transpercer toute une équipe. Je ne parle pas seulement de la passe de 50 mètres, mais même d'une simple passe de 10 mètres dans l'axe. En une seule passe, il élimine quatre ou cinq joueurs. Je n'ai jamais vu quelqu'un faire ça. »

    La saison dernière, Ederson a délivré quatre passes décisives en championnat, portant son total à sept, un record pour un gardien en Premier League. Son taux de réussite sur les passes longues (plus de 36 mètres) était de 46 %. Un chiffre bien supérieur à celui de Trafford (25,8 %). Il faut dire que leurs styles de jeu étaient différents. Trafford était beaucoup plus enclin à jouer long (27,1 % de ses passes) qu'Ederson (17,5 %).

    Sur les passes courtes et moyennes, les deux gardiens sont quasiment à égalité, avec des taux de réussite frôlant les 100 %. Mais sur les passes longues (plus de 27 mètres), l'écart est flagrant : 65,3 % pour Ederson, contre seulement 41,2 % pour Trafford. Un chiffre qui était même encore plus bas lors de sa première saison en Premier League (32 %). C'est là que réside le principal axe de progression pour le jeune Anglais s'il veut détrôner le Brésilien.

  • James Trafford BurnleyGetty

    L'ascension d'une étoile

    James Trafford aura besoin d'un peu de temps pour se réhabituer au style de jeu de Manchester City. Si Vincent Kompany prônait un jeu de possession similaire à celui de Guardiola, son successeur à Burnley, Scott Parker, y accordait moins d'importance. Cependant, ayant passé ses années de formation à l'académie de City, où le même style est enseigné à tous les niveaux, il ne devrait pas mettre longtemps à retrouver ses repères.

    Il n'atteindra probablement jamais le niveau d'Ederson dans le jeu au pied. Mais il y a un sentiment croissant que le Brésilien est un cas unique, et qu'espérer lui trouver un remplaçant à l'identique est irréaliste. Surtout, la frustration monte chez les supporters de City face à la fréquence des erreurs et des sautes de concentration d'Ederson. Des failles qui ont été visibles lors du Mondial des Clubs, où une relance catastrophique a mené à un but contre la Juventus, et où il a semblé en difficulté lors de la défaite surprise contre Al-Hilal.

    La saison dernière, on a eu l'impression que les difficultés d'Ederson à garder sa cage inviolée causaient plus de problèmes que ses qualités de relanceur n'en résolvaient. Trafford, lui, revient dans son club formateur avec le statut d'une étoile montante, réputée avant tout pour sa capacité à arrêter les tirs et à sortir son équipe de situations difficiles, notamment sur penalty. C'est cette faculté à répondre présent dans les grands moments que Cole Palmer avait en tête lorsqu'il a fait sa prédiction audacieuse il y a deux ans. Aujourd'hui, Trafford a l'occasion de lui donner raison. Et de prouver, au plus haut niveau, à quel point il est fort.

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