Pourquoi est-ce si "difficile de jouer pour l'Angleterre" ? La réponse de Harry Kane aux consultants de son pays prouve que les Three Lions ne peuvent toujours pas faire face à la pression

Lineker est loin d'être la seule ancienne star anglaise à avoir donné une évaluation tranchante et honnête de l'équipe de Southgate. Wayne Rooney, Alan Shearer, Gary Neville et Rio Ferdinand ont également exprimé leurs inquiétudes en direct à la télévision, et il n'y a rien de mal à cela. Les experts ont le devoir de dire la vérité quand c'est nécessaire.

De toute façon, il n'y avait pas grand-chose de positif à dire après le match contre le Danemark, mais ils n'auraient pas rendu service à l'Angleterre s'ils avaient essayé d'occulter les problèmes flagrants de l'équipe. S'ils ne défient pas Southgate lorsque les choses vont mal, qui le fera ?

Malheureusement, Kane ne voit pas les choses de cette façon. "L'essentiel est que nous n'avons rien gagné en tant que nation depuis très, très longtemps et beaucoup de ces joueurs en ont fait partie et ils savent à quel point c'est difficile", a déclaré le capitaine de l'Angleterre. "Il ne s'agit pas de critiquer qui que ce soit, mais simplement de dire qu'ils savent qu'il est difficile de participer à ces tournois majeurs et de jouer pour l'Angleterre."

"Je ne manquerais jamais de respect à un ancien joueur. Tout ce que je dirais, c'est qu'il ne faut pas oublier ce que c'est que de porter le maillot et que leurs paroles sont écoutées. Certains joueurs, je ne sais pas combien ils sont, mais on les entend. Nous voulons tous gagner un grand tournoi et je suis sûr qu'ils veulent que nous gagnions un grand tournoi. Il vaudrait mieux qu'ils nous aident le plus possible et qu'ils leur donnent leur confiance".

Kane a également ignoré les tentatives de Lineker de justifier ses commentaires. Le présentateur de la BBC a déclaré après avoir analysé le match nul de l'Angleterre contre le Danemark : "Il n'y a pas d'attaques personnelles sur le caractère de qui que ce soit. Personne n'a accusé qui que ce soit de ne pas avoir essayé parce que nous savons que les joueurs seront dévastés par cela".

Lineker et Shearer ont tous deux reconnu qu'aucun des joueurs anglais n'avait manqué d'efforts sur le terrain du Deutsche Bank Park de Francfort jeudi dernier. Rien de ce qu'ils ont dit n'était inexact ou trop émotionnel.

L'incapacité de Kane à presser depuis l'avant a conduit l'Angleterre à jouer trop bas quand elle avait le ballon, comme l'a souligné Lineker avec perspicacité. Et Shearer a eu raison de dire que "l'équilibre n'était pas bon au milieu de terrain" car Phil Foden, Jude Bellingham, Trent Alexander-Arnold et Declan Rice ont tous eu du mal à avoir un impact significatif sur les débats.

Ils ont également suggéré des modifications tactiques potentielles afin d'aider l'Angleterre à exploiter pleinement son potentiel lors du tournoi. Les critiques constructives doivent être encouragées, surtout lorsqu'elles émanent de personnes qui bénéficient d'une expérience de premier ordre et qui n'ont que l'intérêt de l'équipe nationale à cœur.

La position défensive de Kane n'a fait que souligner le fait que l'Angleterre ne peut toujours pas assumer la responsabilité collective de son échec. Les joueurs adhèrent à l'idée que les médias sont les grands méchants et ils sont devenus trop sensibles à l'analyse des experts.

Rice a également adopté un ton similaire à celui de Kane en conseillant à Lineker et à ses coéquipiers de ménager les meilleurs joueurs de l'Angleterre pour provoquer une réaction positive. "Les joueurs comme Phil Foden, Bukayo Sakas, Jude Bellingham, dites-leur qu'ils sont les meilleurs joueurs du monde et faites en sorte qu'ils lisent cela et pensent que je vais aller sur le terrain et donner tout ce que j'ai", a déclaré l'ancien joueur d'Arsenal. "Plutôt que de lire les commentaires négatifs qui leur viennent à l'esprit et de penser qu'ils ne peuvent pas jouer d'une certaine manière. C'est ainsi que je vois les choses".

Rice était-il sur la lune ces six derniers mois ? Ces trois jeunes ont été constamment loués pour leurs performances en club, et tous ont été considérés comme des messies potentiels pour l'Angleterre avant le coup d'envoi de l'Euro. La seule chose que cela a engendrée, ce sont des egos surgonflés.

En l'état actuel des choses, il n'y a aucune chance que les Three Lions parviennent à soulever le trophée. Et au lendemain d'une nouvelle élimination douloureuse, il sera à nouveau suggéré que l'équipe est soumise à des niveaux d'évaluation injustes qui l'empêchent de réussir.

Mais la pression fait partie du jeu et les meilleures équipes l'utilisent comme un carburant. L'Angleterre ne mettra pas fin à près de 60 ans de souffrance avec cette attitude de "seule contre tous".

La frustration exprimée par les experts et les supporters provient principalement du fait qu'il s'agit sans doute de l'équipe la plus talentueuse de l'histoire du football anglais. Southgate a la chance d'avoir des joueurs de qualité dans tous les secteurs du terrain et il n'y a aucune excuse pour qu'ils ne soient pas à la hauteur, en particulier contre les nations les plus modestes.

L'Angleterre a les moyens de faire exploser des équipes sans grande envergure comme la Serbie et le Danemark. Le fait qu'elle n'ait pas réussi à le faire après avoir pris l'avantage dans les deux matches aurait été pardonnable si elle ne s'était pas reposée sur ses lauriers et n'avait pas complètement abandonné le contrôle de la situation.

Il est vrai que l'approche minimaliste de Southgate freine parfois l'Angleterre. Mais il ne peut être tenu pour responsable de toutes les mauvaises performances individuelles de joueurs qui se montrent presque toujours à la hauteur pour leur club.

Kane a erré sur le terrain contre le Danemark, sans impact majeur, et les rares fois où il a eu le ballon, sa première touche défaillante et un déchet dans les passes l'ont empêché de peser sur le jeu. Foden exigeait constamment le ballon mais s'engageait trop souvent dans des impasses ou choisissait la mauvaise option, Bellingham perdait trop souvent le ballon et manquait de son intensité habituelle, tandis que même John Stones était coupable d'être nonchalant.

On avait l'impression qu'ils jouaient tous avec des poids autour des chevilles, ce qui est une constante pour l'équipe d'Angleterre depuis une vingtaine d'années. Ils donnent certainement l'impression de jouer pour les Trois Lions, mais qu'est-ce qui, sur la scène internationale, peut bien provoquer cette peur irrationnelle ?

La situation peut encore être sauvée lors de l'Euro, notamment parce que Southgate ne fait pas la politique de l'autruche. "Peut-être que la chose la plus importante est que nous devons accepter l'environnement dans lequel nous nous trouvons et les attentes qui nous entourent", a-t-il déclaré après le match contre le Danemark. "Nous allons devoir relever ce défi. Pour l'instant, nous sommes un peu loin du compte. En fin de compte, c'est ma responsabilité".

Mais les joueurs devront également faire preuve de plus de remise en question pour améliorer les perspectives de l'Angleterre en Allemagne. Le système mis en place par Southgate n'est pas le seul responsable de ce départ poussif. Les joueurs du très haut niveau ont tendance à briller quelle que soit la formation qu'on leur demande d'adopter.

Julian Nagelsmann a essentiellement joué avec quatre numéros 10, puisque Kai Havertz, Jamal Musiala, Florian Wirtz et Ilkay Gundogan ont joué les premiers rôles pour l'Allemagne, et ils ont tout de même excellé. Le plus gros problème de l'Angleterre est d'ordre mental.

Le vestiaire des Three Lions manque de confiance en soi et le doute se propage dans l'équipe comme un virus dès qu'elle est confrontée à un faux-pas. C'est à cela que Southgate doit remédier, faute de quoi l'Angleterre n'aura aucune chance d'aller bout contre les équipes de premier ordre dans la dernière phase du tournoi.

Il est important que l'Angleterre ne se contente pas d'un point contre la Slovénie mardi. Non seulement un nouveau match nul ne ferait qu'exacerber le sentiment de crise, mais les hommes de Southgate seraient également confrontés à un tirage au sort cauchemardesque lors de la phase à élimination directe.

Si l'Angleterre termine deuxième du Groupe C, elle affrontera l'Allemagne en huitièmes de finale, l'équipe de Nagelsmann ayant terminé première de son groupe devant la Suisse. Les Three Lions seraient d'énormes outsiders dans cette rencontre, et s'ils se qualifiaient, un quart de finale contre une Espagne ou l'un des meilleurs troisièmes des groupes A, D, E ou F serait leur récompense, tandis que le Portugal ou les Pays-Bas attendraient probablement dans le dernier carré.

L'Angleterre aura une chance bien plus grande d'accéder à la finale si elle bat la Slovénie, mais elle doit aussi faire une prestation en bonne et due forme. La confiance est cruciale dans ces tournois et, pour l'instant, elle fait cruellement défaut dans les rangs de Southgate.

Pour y remédier, Kane et ses coéquipiers seraient bien inspirés de réfléchir aux points soulevés par Lineker et les autres anciennes icônes de l'Angleterre qui composent l'équipe des médias de l'Euro 2024. Endosser la tunique des Three Lions sera une expérience bien plus agréable s'ils le font.

Le moment est venu de se battre pour l'insigne et de montrer sa fierté personnelle. L'Angleterre peut continuer à être la quasi-équipe par excellence, ou elle peut vraiment se mobiliser et réaliser quelque chose de spécial. Les fondations sont en place, c'est maintenant aux joueurs de décider comment ils veulent qu'on se souvienne d'eux.