Man Utd friendlies GFXGOAL

Matches amicaux en Arabie Saoudite : le voyage qui pourrait coûter cher à Manchester United... et à Amorim

Malgré tout, Amorim a suivi la ligne du parti, soutenant, à contrecœur, ces voyages motivés par l'appât du gain. « Nous devons le faire », a-t-il déclaré vendredi dernier. « Nous savions qu'en ratant la qualification européenne, nous aurions beaucoup de choses à faire. Nous avons nos fans, nous avons le budget, nous devons compenser. Donc, nous devons le faire. Et nous le ferons ».

L'ère Amorim à Manchester United est la période la moins réussie du club depuis un demi-siècle, mais aussi un moment inédit où chaque centime compte. Cependant, ce voyage n'est pas anodin et s'inscrit dans une stratégie bien plus large. En choisissant l'Arabie Saoudite, United devient un acteur, volontaire ou non, du "sportswashing" mené par le royaume. Le pays investit massivement dans le sport pour renforcer son image à l'international et détourner l'attention des polémiques sur les droits de l'homme. Un contexte qui rend la démarche encore plus discutable.

  • TOPSHOT-FBL-MAS-FRIENDLY-ASEAN-MAN UTDAFP

    Expérience dégradante

    Amorim a raison de dire que la non-qualification européenne va creuser un trou dans le budget. Mais ce ne sont pas quelques matchs amicaux supplémentaires qui vont le combler. La tournée de fin de saison en Asie, quelques jours à peine après la défaite en finale de la Ligue Europa, fut déjà une expérience dégradante. Une escapade pour des matchs sans intérêt pendant que des rumeurs envoyaient Bruno Fernandes en Arabie Saoudite. Si les tournées de pré-saison sont une norme, celles de post-saison s'apparentent à un cirque ambulant.

    Une vision qui hérisserait plus d’un groupe de supporters en France, où la défense du calendrier sportif et la primauté du terrain restent des valeurs cardinales. Se lancer dans une tournée en pleine saison serait encore plus indigne, le symbole d'un club qui a perdu le sens des priorités.

  • Publicité
  • FBL-ENG-PR-MAN CITY-MAN UTDAFP

    Montant d'argent négligeable

    Toute cette mascarade en Asie a rapporté environ 12 millions d'euros. Une goutte d'eau par rapport aux 118 millions d'euros perdus en ne se qualifiant pas pour la Ligue des Champions. Pire, cette somme ne résout en rien les problèmes structurels du club face aux contraintes du Fair-play financier (FFP). Elle ne compensera jamais la trajectoire de déficit prévue pour United.

    Une situation qui, en France, alerterait immédiatement la DNCG, le gendarme financier du football français, réputé pour sa sévérité face aux déséquilibres budgétaires. Là où les clubs de Ligue 1 sont sévèrement sanctionnés au moindre écart, United semble préférer des solutions cosmétiques plutôt que de s'attaquer au fond du problème, comme sa politique de transferts hasardeuse. Conserver Rasmus Højlund plutôt que de le brader, tout en recrutant Benjamin Šeško pour 87 millions d'euros, en est un parfait exemple. L'argument financier ne tient pas.

  • Brentford v Manchester United - Premier LeagueGetty Images Sport

    Les matchs amicaux pourraient compromettre les espoirs de Ligue des champions

    Gagner 10 millions de livres par-ci par-là n'aidera pas significativement United à s'attaquer à leur dette croissante. Comme le club l'a reconnu en privé et en public, la seule façon pour United de devenir financièrement durable et d'arrêter la tendance de six ans à perdre de l'argent est de revenir à terminer près du sommet de la Premier League et de se qualifier régulièrement pour la Ligue des champions.

    Et faire des voyages de mi-saison vers d'autres continents et fuseaux horaires pourrait avoir un impact direct sur cet objectif. Bien que United n'y étaient pas proches, il y avait une course extrêmement serrée pour se qualifier pour la Ligue des champions, avec un seul point séparant à la fin Nottingham Forest en septième position de Newcastle United, qui a terminé cinquième et a obtenu le dernier ticket pour la compétition européenne de premier plan. Aston Villa a raté les revenus lucratifs du football de la Ligue des champions à la différence de buts.

    Chaque point compte dans la course pour finir dans les cinq premiers ou les quatre premiers (selon que les équipes anglaises performent bien en Europe et obtiennent l'une des deux places supplémentaires disponibles). Alors, imaginez que United manque la Ligue des champions de quelques points et ait plus tôt dans la saison fait match nul ou perdu leur prochain match après un vol de huit heures depuis Riyad ou un trajet de 15 heures depuis Tokyo.

  • Manchester City v Manchester United - Premier LeagueGetty Images Sport

    Chaque place au classement compte

    Même la meilleure équipe de Manchester United de l'ère moderne a payé le prix de ces matchs amicaux en milieu de saison. En janvier 2008, la grande équipe des Cristiano Ronaldo, Wayne Rooney et Carlos Tévez est allée jouer en Arabie Saoudite. Si elle a remporté son match suivant, elle a ensuite peiné avec un nul contre Tottenham avant de s'incliner à domicile dans le derby contre un Manchester City pas encore racheté par les Émiratis. Ces voyages laissent toujours des traces.

    Il ne faut pas non plus oublier que la qualification européenne n'est pas le seul enjeu financier. Chaque place au classement de la Premier League a une valeur. Les "paiements au mérite", basés sur les droits TV, sont distribués de manière dégressive de la 1ère à la 20e place. La saison dernière, la 15e place de United leur a rapporté 18,7 millions d'euros. West Ham, 14e, a touché 21,9 millions, soit une différence de plus de 3 millions d'euros pour un seul petit point d'écart. Brentford, 10e, a empoché 34,3 millions. Si United avait terminé 8e, comme sous Ten Hag, ils auraient touché plus de 40 millions d'euros. Une différence de près de 22 millions, soit presque l'équivalent de deux tournées en Asie. Le calcul est vite fait : la priorité doit être le championnat.

  • FBL-ENG-PR-WOLVES-ARSENALAFP

    Des voyages qui peuvent mal tourner

    Bien sûr, United pourrait présenter ces matchs comme une occasion de s'entraîner au soleil. Mais l'histoire a montré les dangers de ces escapades. En 2007, le stage de Liverpool au Portugal s'est terminé par une agression au club de golf entre coéquipiers. Plus récemment, le voyage d'Arsenal à Dubaï a vu Kai Havertz se blesser gravement, mettant fin à sa saison.

    Ce cas n'est pas isolé. Des études médicales ont d’ailleurs démontré qu’un décalage horaire supérieur à six heures augmente le risque de blessure musculaire de près de 20 %. S'entraîner au soleil peut sembler amusant, mais cela ne prépare pas au rude hiver anglais, là où les points se gagnent. L'équipe est encore loin du projet de jeu d'Amorim, et la dernière chose à faire est de jouer plus et de s'entraîner moins.

  • Manchester United v Sunderland - Premier LeagueGetty Images Sport

    Remettre le football au centre

    Face à ce projet, difficile de ne pas repenser aux mots de Nemanja Matić : « À Chelsea, tout tournait autour des résultats. À United, c'était plus commercial ». Rúben Amorim, dont la vision du football est fondée sur le travail tactique et la discipline, se retrouve au cœur de ce paradoxe. Il a, à juste titre, refusé de tourner un documentaire cette saison. Il devrait maintenant convaincre ses dirigeants de renoncer à ces matchs. Si l'attrait commercial a longtemps protégé United, le club doit redevenir une équipe réputée pour ses victoires, pas pour sa capacité à remplir ses objectifs financiers. Le sportif doit primer. Toujours.