Le Man City de Guardiola envie le Liverpool de Klopp pour la sympathie qu'il suscite, mais ce n'est pas une mauvaise chose pour la course au titre

En mai 2019, alors que City venait de devancer Liverpool d'un point pour le titre de Premier League, Guardiola a laissé entendre que les triomphes de son équipe étaient considérés comme acquis, qu'ils étaient en fait victimes de leur propre succès.

"Liverpool n'a pas gagné la Premier League depuis 29 ans. Il est donc normal que les gens attendent qu'ils gagnent enfin", a déclaré l'ancien entraîneur du FC Barcelone. Mais si Liverpool avait gagné la Premier League, cela aurait été un exploit "incroyable". Quand City gagne, c'est 'Oh, c'est bon. C'est un accomplissement..."

Trois ans plus tard, alors que City était de nouveau engagé dans une course au titre passionnante avec Liverpool, qu'il allait encore une fois remporter d'un seul point, Guardiola est allé encore plus loin en affirmant dans une interview accordée à beIN Sports que "tout le monde dans ce pays soutient Liverpool, les médias et tout le monde".

Cette affirmation est tout à fait ridicule. Si Guardiola s'était contenté de rappeler que plusieurs anciens joueurs de Liverpool travaillaient - et travaillent toujours - dans les médias (Jamie Carragher, Danny Murphy, Jamie Redknapp, etc.), tout aurait été parfait. Il aurait pu dire que certains experts étaient loin d'être impartiaux.

Cependant, prétendre que tout le monde en Angleterre soutient Liverpool était tout simplement absurde quand on sait que tant de clubs rivaux participent aux "chants de la tragédie" à Anfield tout en se moquant du Merseyside pour ses problèmes socio-économiques.

Guardiola s'est ensuite ridiculisé en faisant une allusion mesquine au bilan relativement médiocre des Reds en Premier League. "Liverpool a une histoire incroyable en compétition européenne", a-t-il ajouté. "Mais pas en Premier League, parce qu'ils n'ont gagné qu'un seul titre en 30 ans. Mais ce n'est pas du tout un problème".

Pourtant, les critiques incessantes de Guardiola semblent indiquer le contraire.

Lorsque la légitimité des titres de City a été remise en question après que le club a été accusé de 115 infractions au règlement financier de la Premier League entre 2009 et 2018, il s'est emporté : "Je ne sais pas si nous sommes responsables de la glissade de Steven Gerrard [en 2014]... Est-ce notre faute ? Est-ce notre faute ?"

En l'occurrence, Guardiola a ensuite fait acte de contrition, allant même jusqu'à s'excuser en privé auprès de l'ancien capitaine de Liverpool pour l'avoir mêlé à une dispute qui n'avait absolument rien à voir avec son moment le plus douloureux sur un terrain.

Cependant, le Catalan n'a pas fait de mea culpa après que certains de ses joueurs de City ont été filmés en train de chanter une chanson désobligeante ridiculisant Liverpool alors qu'ils célébraient leur titre en 2019 - juste le classique "Je suis désolé si quelqu'un a été offensé".

City et son manager ont insisté sur le fait que la phrase faisant référence aux supporters de Liverpool "battus dans la rue" n'était pas une attaque contre Sean Cox, qui a subi des blessures qui ont changé sa vie après avoir été agressé à l'extérieur d'Anfield par des supporters de la Roma. Mais ni le club ni Guardiola ne se sont sentis obligés d'expliquer pourquoi avoir malgré tout chanté de telles paroles.

En fin de compte, l'aversion évidente de City pour Liverpool s'est révélée être une aubaine pour Guardiola. Après tout, il n'est pas facile de maintenir la motivation de ses stars.

La légende du basket-ball Michael Jordan n'avait plus de rivaux dignes de ce nom, si bien qu'il avait l'habitude de s'inventer des ennemis pour rester affamé - car, pour certains, faire tomber les autres peut être tout aussi satisfaisant que de rester au sommet. En effet, le City de Guardiola s'est ouvertement réjoui d'avoir non seulement remporté cinq titres de Premier League, mais aussi d'avoir limité Liverpool à un seul au cours de l'ère dorée de Klopp à Anfield.

"Liverpool est une équipe exceptionnelle. C'est une équipe superbe. Mais je sais qu'ils nous détestent", a déclaré l'ancien ailier Riyad Mahrez à Canal+ en mai 2022. "Ils en ont marre de nous parce que si nous n'étions pas là, ils auraient tout gagné chaque année. Mais nous sommes là et nous ne lâcherons jamais, et nous serons là l'année prochaine aussi".

En ce sens, Liverpool a en fait aidé City à rester non seulement au sommet de son art, mais aussi en tête du championnat. Sans les Reds, l'équipe n'aurait pas remporté autant de titres ni battu autant de records, parce qu'elle n'aurait pas eu à jouer de manière et aussi longtemps.

Comme l'a dit Guardiola lui-même lorsque Klopp a annoncé son départ imminent : "J'ai été choqué, comme tout le monde, par la nouvelle, car j'ai senti qu'une partie de Man City allait être perdue. Nous ne pouvons pas définir notre période ici ensemble sans lui et Liverpool - c'est impossible".

Bien sûr, il a été dit que Liverpool et Manchester City ne pouvaient pas être considérés comme l'une des plus grandes rivalités du football anglais parce que Guardiola et Klopp se respectent mutuellement. Il est également clair depuis longtemps que Guardiola tient Anfield en très haute estime, mais il est également vrai qu'il est envieux de l'atmosphère qui y règne.

Il a d'ailleurs accusé le public de l'Etihad de s'être endormi lors du premier match de Premier League de la saison et il est tout à fait conscient que Klopp n'aura pas à le réveiller lors de la rencontre qui les opposera ce dimanche.

Il ne fait donc aucun doute que Guardiola sera déterminé à remporter sa première victoire devant le public d'Anfield. Il a déjà triomphé dans cet antre mais sa seule victoire ayant eu lieu à huis clos lors de la pandémie de COVID.

Et le moment semble idéal pour dompter l'ennemi chez lui. Liverpool voulant désespérément prendre trois points qui représenteraient un énorme coup de pouce dans sa tentative d'assurer à Klopp un deuxième titre de Premier League - la perspective d'un tel résultat horrifierait City, et donc le pousserait à agir.

Il suffit de voir la joie que Guardiola a éprouvée lors de la déroute de Liverpool à l'Etihad la saison dernière, alors que les Reds n'étaient même pas dans la course au titre. Il est même allé jusqu'à célébrer un but au visage de Kostas Tsimikas.

Il y a donc fort à parier que l'annonce du départ estival de Klopp - et surtout la vague d'émotion qui l'accompagne - n'aura fait que renforcer la volonté de Man City de remporter un quatrième titre consécutif, car cela reviendrait à gâcher la fête d'adieu de l'Allemand. Ils ne veulent tout simplement pas que Liverpool bénéficie du crédit lié à un champion national.

City a-t-il raison de se sentir lésé ? Pep et ses joueurs devraient-ils se sentir à la fois jaloux et agacés par la façon dont les médias ont encensé Klopp et ses poulains après avoir remporté la Carabao Cup ? D'une certaine manière, cela n'a pas de sens.

En fin de compte, le fait de croire que personne ne se soucie de gagner les mêmes trophées que Liverpool a aidé City au lieu de l'entraver. Car si l'amour de la victoire est indéniablement à l'origine du succès durable de City, la haine de la défaite face à Liverpool l'a également aidé.