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La Super League est arrivée (en quelque sorte) ! Le nouveau format de la Ligue des champions hante déjà les joueurs et laisse les fans perplexes

L'ancien directeur général de l'UEFA, Gerhard Aigner, a qualifié l'idée d'une Super Ligue européenne d'« illusion », mais son pouvoir a toujours été bien réel. Comme l'a souligné l'ancien directeur de l'AC Milan, Umberto Gandini, « la naissance de la Ligue des champions en 1993 » était en fait la réponse de l'UEFA à la tentative de Silvio Berlusconi de créer une compétition séparée pour l'élite européenne.

Ce n'est pas non plus une coïncidence si, deux ans après que Berlusconi a soutenu une autre tentative de création d'une Super League, l'UEFA a augmenté le nombre d'équipes et de matches de la Ligue des champions, et a introduit une deuxième phase de groupes pour générer plus de matches.

« La menace d'une Super Ligue se termine toujours par la promesse de l'UEFA aux grands clubs d'augmenter leurs revenus », a déclaré Tsjalle van der Burg, professeur adjoint d'économie à l'université de Twente, à GOAL en janvier 2021. « Tant que l'UEFA agira de la sorte, il n'y aura pas de Super League. Cependant, en répondant constamment aux demandes des grands clubs en raison des menaces, nous finirons par avoir un format qui ressemble beaucoup à une Super League. »

Et c'est exactement à ce stade-là que nous nous trouvons aujourd'hui, avec la Ligue des champions élargie dont le coup d'envoi sera donné cette semaine avec un nouveau format qui fait ressembler la compétition à une Super League. En réalité, seule l'appellation diffère.

  • champions league draw(C)Getty Images

    Le "modèle suisse"

    Une expansion était inévitable dès que des échos ont fait surface sur une autre tentative de séparation vers la fin de l'année 2020, et l'UEFA avait déjà proposé de mettre en œuvre un « modèle suisse » avant le lancement malheureux de la Super League en avril 2021.

    Le nouveau système ne prévoit pas de phase de groupes, mais une seule grande phase de championnat au cours de laquelle les 36 équipes qualifiées (au lieu de 32) disputent huit matches, quatre à domicile et quatre à l'extérieur, contre huit équipes différentes.

    Les huit équipes les mieux classées se qualifieront directement pour les huitièmes de finale, tandis que les équipes classées de la neuvième à la vingt-quatrième place participeront à un tour de barrage. Les 12 équipes restantes seront complètement éliminées de la compétition continentale, le filet de sécurité de l'Europa League ayant été supprimé.

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  • TOPSHOT-FBL-EUR-C1-DORTMUND-REAL MADRIDAFP

    "Chaque match compte"

    Selon l'UEFA, les avantages du nouveau format du point de vue des supporters sont triples :

    « Le nouveau format de championnat impliquera plus d'équipes européennes dans chaque compétition et permettra aux fans non seulement de voir plus de matches européens de haut niveau, mais aussi de voir ces matches se dérouler plus tôt dans la compétition.

    Le nouveau format introduira un meilleur équilibre compétitif entre toutes les équipes, avec la possibilité pour chaque équipe de jouer contre des adversaires d'un niveau compétitif similaire tout au long de la phase de championnat.

    Chaque match compte. Le nouveau format du championnat garantira que tout résultat peut changer radicalement la position d'une équipe, jusqu'à la toute dernière journée. Gagner ou perdre le dernier match de la phase de championnat peut faire la différence entre une équipe qui se qualifie automatiquement pour les huitièmes de finale, qui participe aux barrages ou qui est complètement éliminée de la compétition.

    Le scepticisme est pourtant de mise.

  • Champions League completed draw 29082024Getty Images

    Déroutant et confus

    L'UEFA est tout à fait consciente que le « modèle suisse » a déjà dérouté de nombreuses personnes dans le monde du football, et elle a tenté d'atténuer ce sentiment de perplexité dans une promotion « humouristique » avant le tirage au sort de la phase de championnat.

    Avec le temps, tout devrait se décanter. Ou du moins s'éclaircir. Au fur et à mesure de la progression du tournoi, les fans (et les journalistes !) se familiariseront sans doute avec le nouveau format, mais des doutes subsistent quant à son efficacité.

    En modifiant l'organisation de manière à ce que chaque équipe doive affronter au moins deux équipes du Pot 1, le tirage au sort a incontestablement donné lieu à plusieurs affrontements de poids, mais la question est de savoir si les circonstances ne vont pas leur ôter une partie de leur importance.

    L'argument est que chaque équipe voudra terminer le plus haut possible dans le classement. D'abord pour éviter les tracas de deux matches supplémentaires en février, et ensuite pour améliorer sa place en huitièmes de finale. Toutefois, l'attrait de certains matches pourrait-il être dilué ou dévalorisé ?

    L'ancienne formule avait certes ses défauts, mais elle était capable de produire des « groupes de la mort », comme la poule de la saison dernière opposant le Paris Saint-Germain, l'AC Milan, Newcastle et le Borussia Dortmund.

    La seule certitude était que deux équipes de premier plan seraient éliminées, ce qui rendait chaque point important. Il n'y a aucune garantie que les confrontations de la phase de championnat soient aussi cruciales.

  • Arsenal FC v FC Porto: Round of 16 Second Leg - UEFA Champions League 2023/24Getty Images Sport

    144 matches pour éliminer 12 équipes

    Par exemple, lorsque le PSG recevra Manchester City au Parc des Princes le 22 janvier, quel sera l'enjeu ? Le consensus général est que 15 points suffiront pour assurer une place parmi les huit premiers. Il est donc possible que les deux équipes soient déjà assurées d'une place en huitièmes de finale au moment où elles se rencontreront. Ce qui enlève déjà une partie du suspense.

    De plus, si l'Inter devait s'incliner face à Manchester City lors de la première journée, risquerait-il vraiment d'être éliminé ? Pas du tout. Neuf points (trois victoires) sur les sept matches restants suffiraient à assurer au moins une place dans le tour de barrage.

    L'UEFA mise donc essentiellement sur le fait que la rencontre de deux équipes de haut niveau constitue une affiche en soi, alors que l'attrait principal de ce type d'affrontements dans le passé résidait dans le fait qu'ils se déroulaient généralement dans la phase d'élimination directe. C'est la menace de l'élimination qui rendait ces matches extrêmement attrayants, ce qui signifie qu'il est tout à fait probable que la compétition remaniée ne prenne vie que dans les matches à élimination directe.

    La grande différence, c'est qu'il faudra beaucoup plus de temps - et beaucoup plus de matches - pour en arriver là, et c'est là le vrai problème du modèle suisse. Alors qu'auparavant 16 équipes étaient éliminées après 96 matches, il faudra désormais 144 matches pour n'en éliminer que 12. Et nous risquons de nous retrouver avec plus ou moins les mêmes clubs en huitièmes de finale que chaque année, car les changements ne feront pas grand-chose pour remédier à la disparité des richesses au sommet du football européen.

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    "Totalement absurde"

    Sans surprise, l'ajout de quatre journées supplémentaires (deux en phase de championnat et deux pour les play-offs) dans un calendrier déjà surchargé n'a pas été du goût de ceux qui sont à l'origine de toutes ces émotions et de tous ces revenus supplémentaires, à savoir les joueurs.

    « Nous avons des calendriers surchargés et nous jouons sans arrêt. En ce moment, j'ai l'impression d'étouffer », avouait l'an dernier l'ancien défenseur de Manchester United et de l'équipe de France, Raphaël Varane. « Les dirigeants et les joueurs nous font part de leurs inquiétudes depuis de nombreuses années : il y a trop de matches, le calendrier est surchargé et le bien-être physique et mental des joueurs est menacé.»

    « Nous voulons simplement être en bonne condition sur le terrain afin de nous donner à 100 % pour nos clubs et nos supporters. Pourquoi nos opinions ne sont-elles pas entendues ?»

    La question est pertinente, mais la réponse est évidente : plus de matches signifie plus d'argent pour les clubs et les organisateurs. C'est pourquoi nous aurons droit à une Coupe du Monde des Clubs de la FIFA élargie à l'été 2025.

    « C'est toujours la même chose », a déclaré Thibaut Courtois, gardien de but du Real Madrid, en octobre 2021. « L'UEFA peut être en colère contre les équipes qui veulent une Super League, mais elle ne se préoccupe pas des joueurs, elle ne s'intéresse qu'à ses poches.»

    Le milieu de terrain de Man City, Bernardo Silva, s'est fait l'écho de ces sentiments la semaine dernière, en déclarant : « Le calendrier est complètement fou... Nous allons probablement jouer tous les trois jours pendant des mois. C'est absolument absurde.»

    « En Ligue des champions, si vous ne vous qualifiez pas pour les huitièmes de finale, vous devez encore jouer deux matches. C'est vrai que les effectifs sont plus importants, mais je ne vais pas dire que c'est facile. Cela n'a pas été facile. Je passe très peu de temps avec ma famille et mes amis. La quantité de matches à laquelle nous sommes soumis est absolument absurde.»

  • England v Switzerland: Quarter-Final - UEFA EURO 2024Getty Images Sport

    "Plus importantes que le jeu"

    En tant que responsable du football à l'UEFA, Zvonomir Boban a reconnu en août 2023 que le bien-être des joueurs était un problème de longue date et que le risque d'épuisement professionnel ne faisait qu'augmenter, comme nous l'avons vu avec de jeunes talents tels que Gavi et Pedri.

    « Combien de fois avons-nous critiqué le calendrier et le trop grand nombre de matches ? Nous n'écoutons pas les joueurs et les entraîneurs », a déclaré l'ancien milieu de terrain de la Croatie. « C'est de la folie. C'est trop, on ne prend pas en compte tout ça. Nos directives sont différentes.»

    Pourtant, l'UEFA vient d'introduire une Ligue des champions élargie qui ne fera qu'accroître la charge de travail de joueurs déjà à bout de souffle.

    Boban, qui a depuis quitté son poste à l'UEFA par dégoût, a ajouté dans une interview à la Gazzetta dello Sport : « J'ai fait beaucoup de compromis dans ma vie, j'ai honte de certains d'entre eux. Mais avec la politique pure de ceux qui salissent le monde du football pour défendre leurs propres intérêts, il n'était pas possible de continuer. Et croyez-moi, même si mon rôle est très prestigieux, la décision de me retirer en raison de mes convictions a été douloureuse.»

    « Malheureusement, depuis des années, nous constatons que la technocratie est omniprésente dans le système du football, le privant des valeurs qu'il devrait représenter et défendre. Ces personnes se croient plus importantes que le jeu, les joueurs, les entraîneurs et les supporters.»

    On ne peut donc s'empêcher de se demander s'il y a un espoir pour l'avenir du football. Boban a déjà exclu de défier Aleksander Ceferin à la présidence de l'UEFA, mais il affirme que l'instance dirigeante aurait vraiment besoin d'un « vrai homme de football » à sa tête.

    En aura-t-il un ? Cela semble peu probable. On est au moins sûrs d'une chose : alors que les observateurs ne sont peut-être pas encore fixés sur le nouveau format de la Ligue des champions, il est clair que la Super League n'est plus une simple illusion. Mardi soir, elle deviendra une réalité.

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