L'Espagne apprend-elle de ses erreurs ? La convocation de Pau Cubarsi risque de mettre en danger un autre prodige du Barça

Peut-être est-ce en raison de sa position sur le terrain, Cubarsi n'a pas fait l'objet des mêmes éloges que d'autres éléments issus de La Masia récemment, tels que Gavi, Yamal et Alejandro Balde. Pourtant, Cubarsi a été capitaine d'équipes de jeunes à de nombreux niveaux et, en 2022, il est devenu le troisième plus jeune joueur du FC Barcelone à participer à l'UEFA Youth League.

Xavi le récompense peu après en l'appelant à l'entraînement de l'équipe première en 2023. Avant cette saison, Cubarsi était considéré comme un joueur en devenir de l'équipe réserve du Barça. Il a commencé la saison avec le Barca Athletic, où il a fait neuf apparitions avec l'équipe qui évolue en troisième division espagnole avant de s'approcher de l'équipe première.

Le 18 janvier dernier, le FC Barcelone a été mis en difficulté par une équipe espagnole de troisième division, même si cela n'a été que de courte durée. Les Unionistas de Salamanca, dont le stade ne compte que 6 000 places, ont fait paniquer le Barça en première mi-temps de leur match de Copa del Rey. Ils menaient 1-0 après 30 minutes, grâce à un jeu collectif qui a fait s'effondrer une équipe blaugrana expérimentée.

À la mi-temps, Xavi s'est tourné vers son banc pour rectifier le tir. Cubarsi est le premier à être appelé, le défenseur central entrant en jeu pour renforcer une défense du Barça qui semblait pouvoir s'écrouler à tout moment. En 45 minutes, il a gagné tous ses tacles, touché le ballon 65 fois et réussi 93 % de ses passes. Si le fait d'être un jeune homme de 16 ans chargé d'inverser le cours d'un match qui risquait de lui échapper devait susciter une certaine nervosité, ce n'est pas le cas ici.

L'entraineur catalan a tressé des lauriers à Cubarsi à la fin du match. "Il est très bien préparé", a déclaré Xavi lors de la conférence de presse d'après-match. "Il n'a pas l'air d'avoir 16 ans quand on parle avec lui. C'est un garçon concentré et responsable. Je ne pense pas qu'il ait perdu un seul ballon."

Depuis, Cubarsi a fait 12 autres apparitions en équipe première, devenant un titulaire indiscutable aux côtés d'Araujo, et a été appelé en équipe nationale.

Les éloges sur les performances de Cubarsi ont afflué de toute la planète football, c'est ainsi que cela fonctionne pour ceux qui portent les Blaugrana. Les comparaisons avec des légendes du football ne manquent pas non plus.

"Techniquement, [Piqué] a toujours offert une solution", a déclaré Araujo lorsqu'on lui a demandé ce qu'il pensait de son nouveau partenaire défensif. "Il me rappelle un peu Pau Cubarsi, parce qu'il a quelque chose de lui, il est très intelligent. La vérité, c'est qu'il a un talent incroyable à seulement 17 ans".

L'ancien milieu de terrain du Bayern Munich et de l'Angleterre, Owen Hargreaves, a quant à lui suggéré que Cubarsi pourrait être meilleur que Piqué et Carles Puyol, déclarant à TNT Sports après la prestation du jeune homme du match contre Naples en Ligue des champions : "Il a joué incroyablement bien, c'est une star maintenant, une star du futur. Il est évidemment complètement différent de Puyol, Piqué a été brillant, mais je pense que ses passes à longue distance sont meilleures que celles de tous ces joueurs. De loin".

Mais l'adulation la plus flatteuse est peut-être venue des colonnes des journaux ibériques, lorsque le quotidien AS a rapporté que Pep Guardiola surveillait l'adolescent et espérait l'intégrer dans l'équipe de Manchester City.

Cubarsi, pour sa part, a tenté de calmer le jeu. "Je vais continuer à travailler pour m'assurer que tout se passe bien",a-t-il déclaré. Mais l'excitation, tant en Catalogne qu'à l'extérieur, est incontrôlable.

Les attentes placées dans les jeunes espoirs ces derniers temps ont toutefois suscité des tensions en Espagne. Une tendance inquiétante est apparue : l'équipe nationale appelle des jeunes inexpérimentés en son sein dès qu'ils commencent à jouer en première équipe au niveau du club, pour qu'ils s'épuisent et commencent à souffrir de problèmes de blessure avant même d'avoir atteint la vingtaine.

L'Espagne n'est évidemment pas la seule dans ce cas. La plupart des sélections nationales veulent accélérer l'intégration de leurs meilleurs talents dans l'équipe A. Il n'y a pas de honte à vouloir gagner la Coupe du Monde de la FIFA. Mais, que ce soit par malchance ou par manque de jugement, la Roja a joué un rôle dans une poignée de jeunes carrières qui risquent d'être ruinées par des problèmes de condition physique. Les trois joueurs du Barca, Ansu Fati, Gavi et Pedri, ont tous subi de graves blessures ou ont vu leurs jeunes jambes malmenées lorsqu'ils jouaient pour leur pays.

La faute en revient en partie à l'ancien entraîneur Luis Enrique, mais c'est une tendance qui s'est poursuivie sous la direction de De la Fuente. Gavi n'avait débuté que trois matches avec Barcelone lorsqu'il a été appelé pour la première fois en octobre 2021, à l'âge de 17 ans. Yamal, quant à lui, n'avait fait que cinq apparitions lorsqu'il a été appelé pour la première fois en équipe nationale à l'âge de 16 ans, en septembre 2023.

Pedri avait le problème inverse et avait déjà disputé 42 matches lors de sa première saison au Barça à l'âge de 18 ans lorsque Luis Enrique a décidé d'en faire le pivot de son équipe pour l'Euro 2020, avant de l'autoriser, de manière inexplicable, à représenter son pays aux Jeux olympiques quelques semaines seulement après la fin de ce tournoi. Sans surprise, ses ischio-jambiers n'ont plus jamais été les mêmes.
Fati a également été précipité sur la scène internationale malgré des problèmes de blessure, ce qui a entraîné des problèmes de charge de travail qui ont sans aucun doute contribué à ses blessures chroniques au genou.

Il y a là une leçon à tirer. Il est certain que si l'Espagne était confrontée à une crise de blessures, l'intégration de Cubarsi serait justifiée. Il est vrai que la Roja a parfois eu du mal à construire sa ligne défensive depuis les départs à la retraite de Piqué puis de Sergio Ramos.

Mais aujourd'hui, pour la première fois depuis 18 mois, un semblant de clarté commence à apparaître. Aymeric Laporte et Robin Le Normand semblent constituer une paire de défenseurs centraux raisonnablement établie, tandis que Dani Vivian a montré suffisamment de choses avec l'Athletic Club pour s'imposer comme un solide remplaçant. Pau Torres, bien qu'absent de cette sélection, compte 23 capes en équipe d'Espagne et a participé au stage de novembre.

Cubarsi pourrait donc bénéficier d'une convocation, au moins pour s'entraîner aux côtés des joueurs internationaux. Il y a de fortes chances que le fait d'être entouré de professionnels expérimentés et d'apprendre sous la tutelle d'un sélectionneur national de haut niveau lui soit bénéfique. Mais l'Espagne n'a pas besoin de lui pour l'instant.

Mais dans trois mois, les choses pourraient bien changer. L'Euro 2024 sera un tournoi intéressant pour l'Espagne. Les triples vainqueurs ne font pas partie des favoris pour la gloire en Allemagne et devront se battre pour la première place dans un groupe délicat qui comprend également l'Italie, tenante du titre, et une équipe croate toujours aussi difficile à manœuvrer.
Ce n'est pas le genre d'équipe qui peut se contenter de jouer la carte de la sécurité dans un tournoi. Si De la Fuente veut remporter le trophée, il devra certainement prendre des risques, et l'utilisation de Cubarsi pourrait être l'un d'entre eux. S'il continue à jouer pour Barcelone jusqu'à la fin de la saison, et s'il ne se blesse pas, il y a de bonnes raisons de l'inclure dans le onze de départ.

Si Cubarsi est le meilleur défenseur central d'Espagne en juin, De la Fuente devrait l'appeler en sélection. Utilisez votre meilleure équipe et vous aurez plus de chances de gagner des matches de football.

En attendant, il vaut mieux laisser Cubarsi tranquille. L'Espagne n'en est pas à son premier coup d'essai, puisqu'elle a failli à plusieurs reprises entacher la carrière de quelques-uns des plus grands talents du monde. Pour l'instant, il ne semble pas que la leçon ait été retenue.