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Wiegman tournament magic GFXGetty/GOAL

Forfaits, rumeurs, pression : enquête sur les fissures dans l'empire de Sarina Wiegman

Le bilan de Sarina Wiegman en grand tournoi est tout simplement remarquable. Au cours des huit dernières années, d'abord à la tête de sa nation, les Pays-Bas, puis avec l'Angleterre, elle a remporté deux Championnats d'Europe et atteint deux finales de Coupe du Monde. Aujourd'hui, la technicienne de 55 ans se présente en Suisse avec l'objectif de remporter un troisième titre continental consécutif. D'ailleurs, pour retrouver la trace d'une autre sélectionneuse victorieuse à ce niveau, il faut remonter à 2013.

Ces succès ont fait de la Néerlandaise, sans aucun doute, la meilleure sélectionneuse du football féminin actuel, et certainement l'une des meilleures coachs que ce sport ait jamais connues. Les récompenses individuelles n'ont d'ailleurs pas manqué d'affluer. Durant cette période de huit ans, elle a été nommée Meilleure coach de l'année par la FIFA à quatre reprises, un bilan incroyable.

Pourtant, à l'heure où Sarina Wiegman et l'Angleterre préparent un nouvel été décisif, tout porte à croire que cet Euro 2025 s'annonce comme le test le plus redoutable de la carrière de la sélectionneuse.

  • Sarina Wiegman England 2025Getty Images

    Sous le feu des critiques

    Lors de sa conférence de presse au début du mois dernier, juste après avoir annoncé sa liste pour l'Euro, Sarina Wiegman a dû faire face à des questions d'une nature totalement inédite depuis sa prise de fonction. Des questions sur son style de management et sur sa part de responsabilité dans la vague de départs qui frappe les Lionesses à l'aube de la défense de leur titre.

    Une semaine plus tôt, Mary Earps avait annoncé sa retraite internationale surprise. La raison ? Selon The Telegraph, on lui aurait signifié qu'elle ne serait que la deuxième gardienne de l'équipe durant le tournoi. Une décision à laquelle la joueuse de 32 ans aurait répondu qu'elle « préférait prendre sa retraite plutôt que d'être numéro deux ». Wiegman aurait alors « accepté sa démission avec effet immédiat ». Dans un communiqué, la coach anglaise a sobrement déclaré : « J'espérais que Mary jouerait un rôle important au sein du groupe cet été, donc bien sûr, je suis déçue ».

    Quelques jours plus tard, Fran Kirby révélait, de manière plus compréhensible, qu'elle mettait également un terme à sa carrière internationale, n'ayant pas été retenue dans la liste. Enfin, le forfait de Millie Bright, officiellement pour « préserver son bien-être mental et physique », est venu compléter ce tableau. The Telegraph a cependant noté que « des rumeurs persistantes suggèrent que Bright aurait également envisagé de prendre sa retraite, après avoir appris qu'elle n'était plus une titulaire garantie ».

    « Il n'y a pas de crise », a martelé Wiegman le mois dernier. « Je peux vous assurer que les séances d'entraînement se sont très bien passées. Je n'ai rien vu qui suggère un manque de cohésion. Je suis vraiment satisfaite de là où nous en sommes actuellement. »

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  • Georgia Stanway England Women 2024Getty Images

    Une dynamique enrayée

    Ces polémiques ajoutent une pression supplémentaire à celle qui pesait déjà sur les épaules de Wiegman. Une pression naturelle, certes, pour une équipe championne d'Europe en titre, mais que les résultats récents n'ont fait qu'intensifier. Car si les Lionesses n'ont pas été constamment mauvaises ces deux dernières années, elles ont enchaîné des contre-performances surprenantes qui les ont empêchées d'atteindre certains de leurs objectifs.

    L'Angleterre a par exemple abordé la Ligue des Nations 2023-2024 avec une ambition claire : décrocher une place aux Jeux Olympiques pour l'équipe de Grande-Bretagne. Un objectif manqué, la faute à une défaite surprise en Belgique et à une autre aux Pays-Bas. Cette dernière, bien que moins surprenante, fut concédée au terme d'une prestation très décevante.

    Les qualifications pour l'Euro 2025 ont également été chaotiques. L'Angleterre n'a terminé qu'à la deuxième place de son groupe, avec seulement trois victoires en six matchs. Une contre-performance qui l'a fait basculer dans le deuxième chapeau pour le tirage au sort du tournoi, avec la conséquence que l'on connaît : un groupe de la mort, aux côtés de la France, des Pays-Bas et du Pays de Galles.

    Enfin, la Ligue des Nations 2025 a suivi la même trajectoire, l'Angleterre échouant une nouvelle fois à terminer en tête de son groupe pour se qualifier pour les phases finales. C'était pourtant un objectif majeur. Une victoire contre l'Espagne en février semblait avoir relancé leurs chances, mais une défaite au match retour, couplée à un nouveau revers en Belgique et un nul contre le Portugal, a ruiné leurs espoirs. Encore une fois, sans être alarmant, le bilan était en deçà des standards habituels.

  • England v Portugal - UEFA Women's Nations League 2024/25 Grp A3 MD5Getty Images Sport

    Un départ canon impératif

    Wiegman doit donc impérativement s'assurer que le niveau de son équipe soit bien plus élevé dès le coup d'envoi de l'Euro, car la marge d'erreur dans ce groupe D sera quasi-nulle. La campagne de l'Angleterre commence dès samedi contre la France, se poursuit mardi contre les Pays-Bas, avant de se conclure par un choc face aux voisines galloises. Un plongeon direct dans le grand bain, sans le moindre round d'observation.

    Bien sûr, une deuxième place suffirait pour se qualifier pour les quarts de finale. Mais il est important de souligner que l'équipe qui terminera à cette position affrontera très probablement l'Espagne au tour suivant, en supposant que les championnes du monde remportent un groupe composé de l'Italie, de la Belgique et du Portugal, ce dont personne ne doute vraiment.

    Il existe également une possibilité très réelle d'une élimination dès la phase de poules. La France, l'Angleterre et les Pays-Bas arrivent en Suisse avec la conviction de pouvoir remporter le tournoi. Pourtant, l'une de ces trois nations, au minimum, tombera dès le premier obstacle. La tension est à son comble.

  • England v Portugal - UEFA Women's Nations League 2024/25 Grp A3 MD5Getty Images Sport

    Une équipe taillée pour gagner

    Voilà pour les points négatifs. Mais il existe aussi, et heureusement, de nombreux points positifs. Après tout, les Lionesses possèdent toujours l'un des meilleurs effectifs de ce tournoi. Hannah Hampton, Lucy Bronze, Leah Williamson, Alex Greenwood, Keira Walsh, Georgia Stanway, Lauren James et Lauren Hemp peuvent toutes être considérées comme faisant partie des meilleures joueuses du monde à leur poste. Parmi elles, quatre viennent de terminer une saison nationale invaincue avec Chelsea, tandis que Williamson fait partie des cinq joueuses de l'effectif qui ont aidé Arsenal à battre Barcelone en finale de la Ligue des Champions le mois dernier.

    Tous ces noms, ou presque, ont également participé soit au triomphe de l'Euro 2022, soit à l'épopée jusqu'à la finale de la Coupe du Monde, soit aux deux. En effet, treize joueuses de l'effectif de cet été étaient déjà championnes d'Europe il y a trois ans, et quatorze sont passées à seulement 90 minutes de la gloire mondiale.

    « Sarina Wiegman dispose de l'équipe la plus expérimentée que l'Angleterre ait jamais eue à l'aube d'un grand tournoi », a déclaré Karen Carney, 144 sélections au compteur, sur ITV la semaine dernière. « Si vous regardez l'effectif joueuse par joueuse, le nombre de sélections, les médailles gagnées en club et en sélection, c'est, à mon avis, la meilleure équipe que nous ayons jamais eue pour aborder une compétition majeure. »

  • Sarina Wiegman Alex Greenwood England Women 2022Getty Images

    La magie des grands tournois

    Et puis, il y a la magie Wiegman. Une magie parfois remise en question ces deux dernières années, mais qui semble toujours opérer lors des grands tournois. En 2022, elle n'a pas effectué le moindre changement dans son onze de départ, une première dans l'histoire de l'Euro. Une décision parfois critiquée, mais qui s'est avérée payante, la formule fonctionnant à la perfection pour offrir aux Lionesses leur premier titre majeur.

    En 2023, Wiegman a montré une autre facette de son talent de tacticienne. Après deux performances peu convaincantes (deux victoires 1-0 contre Haïti et le Danemark), elle a totalement surpris en basculant dans un système en 3-5-2 que personne n'avait jamais vu cette équipe utiliser. Une nouvelle fois, ce coup tactique a été la clé du succès de l'Angleterre dans sa progression jusqu'en finale, même si la dernière marche fut trop haute.

    « Je pense que c'est sa franchise, sa manière d'être directe », expliquait Jess Carter, pressentie pour débuter l'Euro au poste de latérale gauche, lorsqu'on l'interrogeait sur le succès de sa coach. « Elle et son staff ont une façon de jouer, et nous adhérons toutes. Ça rend les choses plus faciles sur le terrain. Alors qu'on essaie de faire jouer ensemble des joueuses venant de clubs différents, elle dit : 'Voilà comment nous voulons jouer, voilà nos valeurs'. C'est cette franchise. Elle sait ce qu'elle veut, et elle nous le fait savoir très clairement. »

  • Sarina Wiegman England 2022-23 trophyGetty Images

    Faire taire les sceptiques

    L'Angleterre et Sarina Wiegman devront donc immédiatement mettre toutes leurs qualités sur la table en Suisse. Les Lionesses avaient déjà connu une entame de tournoi compliquée lors de l'Euro 2022, en battant de justesse une solide équipe d'Autriche 1-0. Elles avaient également eu un peu de chance lors de leur entrée en lice à la Coupe du Monde 2023, avec une victoire étriquée contre Haïti grâce à un penalty de Georgia Stanway. Aucune de ces deux entames n'avait été convaincante. Samedi, contre la France, il faudra l'être.

    Mais pour chaque raison de s'inquiéter de la défense du titre anglais, il existe une raison d'être optimiste. Les Lionesses ont le talent et l'expérience nécessaires pour réussir en Suisse. Et surtout, elles disposent d'une coach de classe mondiale pour maximiser ce potentiel.

    « En Sarina nous croyons, c'est ce que nous disons toujours, et dans les grands tournois, elle a toujours répondu présent », a conclu Karen Carney la semaine dernière. « Il n'y a personne de meilleur pour nous en ce moment. » Cet été, Sarina Wiegman a une nouvelle occasion de le prouver, tout en faisant taire les sceptiques qui ont commencé à se faire entendre.