Ancelotti Real Madrid new era GFXGOAL

En refusant le Brésil et en liant son avenir à celui du Real, Carlo Ancelotti lance une nouvelle ère glorieuse à Madrid

Il y a six mois, tout semblait indiquer que Carlo Ancelotti allait quitter le Real Madrid à l'été 2024. Le seul entraîneur à avoir remporté chacun des "cinq grands" championnats européens et le détenteur de quatre médailles de vainqueur de la Ligue des champions semblait, à 64 ans, arriver au terme de son parcours du côté de Santiago Bernabéu. Il ne lui restait qu'un an de contrat dans la capitale espagnole et le président de la Confédération brésilienne de football (CBF), Ednaldo Rodrigues, insistait déjà pour que le légendaire technicien prenne en charge la Selecao, à commencer par la prochaine Copa América.

Le Real était à priori en perte de vitesse. Karim Benzema était parti soudainement pour l'Arabie Saoudite, Kylian Mbappé restait fidèle au Paris Saint-Germain pour son avenir, et Toni Kroos et Luka Modric approchaient de la fin de leurs illustres carrières. Il ne restait plus qu'un groupe de jeunes de 20 à 24 ans incroyablement talentueux, mais peut-être pas assez aguerris. On aurait pu pardonner à Ancelotti de laisser à quelqu'un d'autre le soin de reconstruire l'équipe.

Mais dans le football, rien ne se passe vraiment comme prévu. Dès le mois d'août, Ancelotti a réaffirmé sa volonté de rester à Madrid et a assuré qu'il attendrait "jusqu'au dernier jour" que le club lui propose une prolongation. Pendant ce temps, dans l'ombre, il se mettait au travail, concevant un système pour tirer le meilleur parti d'un effectif en pleine mutation.

Au mois de décembre, il a signé un nouveau contrat de trois ans. Aujourd'hui, les Merengue n'ont plus perdu depuis le mois de septembre. Ils ont remporté leur premier trophée de la saison en battant leur grand rival, le FC Barcelone, lors de la Supercoupe espagnole et, à l'approche de la phase à élimination directe de la Ligue des champions, ils semblent plus que jamais armés pour aller chercher une quinzième Coupe d'Europe.

Au lieu de partir sous d'autres cieux, Ancelotti a réinventé Madrid et va maintenant superviser le changement de garde et le début d'une nouvelle ère potentiellement glorieuse au Bernabeu. Et à l'heure actuelle, il n'y a personne de mieux placé que lui pour ce travail.

  • Vinicius Junior Brazil 2023Getty

    L'intérêt du Brésil

    C'est en mars 2023 que l'intérêt du Brésil pour Ancelotti s'est manifesté pour la première fois. La demande de la Selecao était sincère et tout à fait logique. Les Brésiliens n'avaient pas réussi à trouver un remplaçant à Tite, même s'ils savaient qu'il partirait avant la Coupe du monde 2022, et leur désir d'engager Ancelotti n'a fait que croître tout au long de l'année dernière, après une série de mauvais résultats, dont la première défaite de l'histoire de la sélection en qualifications pour la Coupe du monde sur son propre terrain.

    L'ancien entraîneur du PSG avait promis que son poste à Madrid serait son dernier dans le football de club, et il avait déjà manifesté un vague intérêt pour le rôle de sélectionneur. En effet, Ancelotti entretient des relations avec un certain nombre de joueurs brésiliens de haut niveau et a fait carrière grâce à son excellente gestion de l'effectif et à sa perspicacité tactique. Si l'on ajoute à cela que le Brésil sera toujours jugé sur ses performances dans les tournois de football - un domaine dans lequel Ancelotti est un véritable génie - la Selecao avait, en théorie, trouvé l'homme qu'il lui fallait.

    Pour l'intéressé lui-même, il s'agissait aussi d'une suite de parcours logique. Ancelotti a "fini le game" sur la scène des clubs, en remportant tout ce qu'il y a à gagner. Après avoir redonné des couleurs au Real Madrid, il n'y avait plus vraiment de mondes à conquérir pour lui, si ce n'est de se tester sur la scène internationale. Le Brésil aurait été le parfait chant du cygne.

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  • Mbappe PSGGetty

    Un été compliqué à Madrid

    La tâche d'Ancelotti était censée être facilitée cet été par l'arrivée présumée de Mbappé. Même lorsque Benzema est parti soudainement pour la Saudi Pro League, beaucoup ont parié sur le fait que sa place dans la ligne d'attaque serait désormais occupée par son compatriote français. Un attaquant d'élite en moins, un autre encore meilleur en plus.

    Mais ce n'est pas ce qui s'est passé et l'avenir de Mbappé est devenu la saga du mercato. Madrid, toujours blessé par la fameuse volte-face du crack bondynois en 2022, a refusé d'entamer des négociations malgré la décision du capitaine de l'équipe de France de ne pas prolonger son contrat avec les Franciliens. Le génie français s'est donc retrouvé à étudier les offres d'autres candidats potentiels avant de se réconcilier avec les champions de France.

    Ce qui est peut-être encore plus surprenant, c'est que les Madrilènes n'ont pas jugé bon de recruter d'autres attaquants de classe mondiale sur le marché des transferts. En l'absence d'un numéro 9 reconnu dans l'effectif après le départ de Benzema, les Blancos avaient clairement besoin d'un remplaçant, mais ils ont choisi de ne pas faire d'offres pour des joueurs comme Victor Osimhen ou Randal Kolo Muani. Au lieu de cela, ils ont opté pour le vétéran espagnol Joselu, prêté par l'Espanyol.

    Sans surprise, les rumeurs affirmant qu'Ancelotti était prêt à jouer la dernière année de son contrat avant de s'en aller se sont intensifiés. On estimait qu'il avait été déçu par le mercato de son club et qu'après avoir perdu le titre de champion de Liga au profit du FC Barcelone la saison précédente, le moment était venu pour lui de partir et de permettre à quelqu'un de nouveau de superviser les années de transition imminentes du club.

  • Carlo Ancelotti Real Madrid 2023-24Getty Images

    Une transformation tactique

    Les rumeurs faisant état d'une perte de motivation de la part d'Ancelotti n'étaient toutefois pas fondées. Au contraire, il a abordé la saison comme un défi, considérant l'effectif madrilène plutôt déséquilibré comme un puzzle qu'il était le seul à pouvoir compléter.

    Son schéma tactique préféré, le 4-3-3, serait pratiquement impossible à mettre en place d'un point de vue offensif sans un numéro 9 reconnu. De plus, il avait une sorte d'impasse au milieu de terrain, avec le nouvel arrivant Jude Bellingham rejoignant Modric, Kroos, Federico Valverde, Aurélien Tchouameni et Eduardo Camavinga. Une liste d'options riche et où chaque joueur aurait sa place dans n'importe quelle autre équipe européenne de premier plan.

    Il a trouvé une solution qui semblait simple : Faire jouer plus de milieux de terrain. Mais cette solution était assortie d'un élément nouveau. Bellingham était déployé plus haut sur le terrain, derrière deux ailiers - Vinicius Jr et Rodrygo - qui avaient été transformés en attaquants polyvalents. En principe, Madrid joue en 4-4-2 en losange, mais dans la pratique, c'est devenu un système fluide et changeant. Les Madrilènes défendent dans un 4-4-2 plus traditionnel, tandis que contre les blocs bas, ils ressemblent davantage à un 4-2-2-2 avec un milieu de terrain condensé.

    Ce qui semblait être une équipe talentueuse mais déséquilibrée s'est rapidement transformé en un collectif rodé, presque inarrêtable, dont le fer de lance est Bellingham, le favori pour le Ballon d'Or. Ancelotti a longtemps été salué comme un entraîneur qui maintient une forte culture de vestiaire, mais il ne fait aucun doute que c'est son intelligence tactique qui a conduit Madrid à être aussi performant cette saison.

    Bellingham et les attaquants brésiliens n'ont pas été les seuls à devoir s'adapter. Valverde, qui avait passé ses deux dernières saisons en tant qu'ailier droit, a été déployé dans une position qui ressemble à un double pivot, chargé de ratisser les ballons et d'effectuer des courses en profondeur.

  • Antonio Rudiger Real Madrid 2023-24Getty

    La cascade de blessures parfaitement gérée

    Cela ne veut pas dire que tout a été facile pour Madrid cette saison. Jusqu'à cette saison, les Merengue sont restés relativement épargnés par les blessures pendant le mandat d'Ancelotti. Benzema a peut-être souffert de divers coups lors de sa dernière saison au club, mais l'entraîneur a toujours bénéficié d'une profondeur précieuse dans la colonne vertébrale de son équipe. Les défenseurs centraux et les gardiens de but, en particulier, étaient des points forts.

    Les choses ont changé en l'espace de six jours au mois d'août. Thibaut Courtois a été le premier à se blesser, se rompant le ligament croisé antérieur à l'entraînement lors d'un exercice de routine à la veille de l'entame de la saison. Eder Militao a été le suivant, se fracturant le genou après une glissade maladroite lors du match d'ouverture de la saison sur le terrain de l'Athletic Club. Ces deux joueurs clés ont été immédiatement immobilisés pour toute la campagne.

    Madrid disposait bien sûr des solutions de rechange en défense, avec Antonio Rudiger et David Alaba capables de prendre le relais, du moins jusqu'à ce que ce dernier se blesse gravement au genou en décembre. Mais Courtois, lui, était simplement irremplaçable. Meilleur gardien du monde ou très proche de l'être, ses performances entre les bois ont été essentiels dans les innombrables triomphes des deux dernières saisons.

    Un remplaçant est arrivé en la personne de Kepa Arrizabalaga, prêté par Chelsea. Mais l'arrivée de l'Espagnol, souvent décrié, a laissé perplexe, notamment en raison de ses irrégularités lors de son passage à Stamford Bridge. Bien qu'il y ait eu quelques problèmes à régler, les choses auraient difficilement pu mieux se passer compte tenu des problèmes rencontrés par les Madrilènes en défense.

    Kepa et Andriy Lunin ont limité les erreurs au minimum alors qu'ils se disputent le maillot de numéro 1, tandis que Rudiger, en particulier, s'est imposé au cœur de la ligne de défense. Grâce à leurs efforts, les Madrilènes n'ont encaissé que 11 buts en 19 matches de Liga, ce qui leur permet d'afficher le deuxième meilleur bilan défensif des cinq grands championnats européens. Un problème potentiel réduit à néant.

  • Real Madrid campeón Copa del Rey 2023Getty

    Une longue série d'invincibilité

    Le 24 septembre, les Merengue ont été battus à plate couture dans le derby madrilène. Bellingham est resté muet pour la première fois depuis son arrivée du Borussia Dortmund, et les erreurs défensives et le manque de précision devant le but ont fait que l'équipe d'Ancelotti s'est inclinée 3-1 face à l'Atlético, le rival régional. Et c'était tout sauf un scandale.

    "Nous n'avons pas bien commencé et nous n'avons pas bien défendu", a déclaré Ancelotti. "Quand ils ont mené 2-0, ils ont joué le jeu qu'ils voulaient. L'Atleti a fait mieux que nous dans ce sens... Quand l'équipe ne fait pas ce qu'elle doit faire, c'est ma responsabilité. Je l'assume, c'est ma faute".

    Si Ancelotti a senti qu'il devait se remettre en question, les résultats obtenus depuis lors suggèrent que c'est exactement ce qu'il a fait. Une semaine plus tard, les Madrilènes ont battu Girona, surprenant prétendant au titre, sur le score de 3-0. Ils ont ensuite remporté une victoire 3-2 au stade Diego Maradona contre Naples, avec un but de Bellingham.

    Puis vint le grand moment. Madrid était le grand favori avant le premier Clasico de la saison en octobre, alors que Barcelone devait composer avec les blessures de Frenkie de Jong, Pedri et Robert Lewandowski. Pourtant, le Barça a été la meilleure équipe pendant 45 minutes. Ils méritaient leur avance de 1-0 à la mi-temps, et si Ferran Torres avait été plus précis devant le but, ils auraient pu mener par deux ou trois. Les Madrilènes n'ont pas eu l'ombre d'une chance.

    Mais après la pause, Bellingham s'es réveillé. Il a marqué deux fois en l'espace de 25 minutes, la première fois d'un missile de 30 mètres pour égaliser, et la seconde d'une pichenette habile pour remporter son premier Clasico dans les arrêts de jeu. Alors que son équipe avait été surclassée en première mi-temps, Ancelotti a donc réussi à insuffler à Bellingham et à d'autres joueurs la confiance nécessaire pour renverser la vapeur et aller chercher la victoire deuxième mi-temps.

    Depuis, il y a eu quelques ratés, notamment deux nuls en Liga, mais les Madrilènes restent invaincus depuis 21 matches et se préparent à retourner au Metripolitano jeudi pour affronter l'Atlético en huitièmes de finale de la Coupe du Roi.

    En cas de succès face à l'équipe de Diego Simeone, il y aura une raison supplémentaire de croire en une saison riche en trophées, après que le premier titre de la campagne a été obtenu dimanche et de manière la plus éclatante qui soit. Les Madrilènes n'ont eu besoin que de 12 minutes pour prendre une avance de deux buts sur le Barça en finale de la Supercopa et n'ont plus jamais perdu le contrôle de la situation. Ancelotti a déclaré que le résultat de 4-1 était peut-être injuste pour le Barca, mais c'était surtout pour être gentil avec l'adversaire.

  • Endrick Palmeiras 2023Getty

    Un avenir qui s'annonce radieux

    Le Real Madrid n'a jamais remporté le triplé, mais il est fort possible qu'un quadruplé soit même envisagé cette saison. Après avoir remporté la Supercopa, les hommes d'Ancelotti sont les favoris de la Liga, même s'ils sont actuellement deuxièmes, avec un point de retard sur Gérone et un match en retard à disputer.

    Il ne sera pas facile de battre l'Atlético jeudi pour poursuivre son parcours en Copa del Rey, ni d'affronter le RB Leipzig en huitièmes de finale de la Ligue des champions le mois prochain, mais l'avenir d'Ancelotti étant désormais assuré, c'est une distraction de moins à gérer pour une équipe qui ne quittera jamais le devant de la scène.

    Ce qui est peut-être encore plus excitant, c'est que ce n'est que le début d'une nouvelle ère à Bernabeu. Cet été, le prodige brésilien Endrick, considéré comme le plus grand talent du pays depuis Neymar, arrivera de Palmeiras dans le cadre d'un contrat de 60 millions d'euros déjà conclu. Et s'il est sage de ne rien présumer de l'avenir de Mbappé, il semble inévitable qu'il finisse par rejoindre les Merengue à la fin de la saison.

    Il est également question qu'Alphonso Davies refuse un nouveau contrat avec le Bayern Munich, car il souhaite devenir le futur latéral gauche de Madrid. Ainsi, une équipe qui devenait inquiétante et en fin de règne pourrait être à la fois formidablement talentueuse et pleine d'avenir.

    Modric semble prêt à partir cet été, tandis que Kroos pourrait également prendre le chemin de la sortie. Mais cela laisserait à Ancelotti quatre milieux de terrain de classe mondiale, un corps offensif reconstruit et un défenseur latéral d'élite pour rejoindre une unité défensive solide qui ne fera que s'améliorer avec le retour de ses meilleurs joueurs.

    Un autre changement tactique - peut-être un retour à son 4-3-3 préféré - sera nécessaire pour qu'Ancelotti tire le meilleur parti de tous les joueurs impliqués, mais après ce qu'il a réalisé en 2023-24, il serait difficile de parier contre le fait qu'il peaufine son système d'ici le début de la saison prochaine.

    Ancelotti a eu l'occasion de partir au soleil couchant, mais il a choisi de se donner un dernier défi à Madrid. Sa récompense et qu'il pourrait bien avoir sous sa coupe la meilleure équipe du Real qu'il n'ait jamais dirigé.