Barça - Ter Stegen : comment le club est entré en guerre contre son capitaine

En août 2023, le FC Barcelone se félicitait de la prolongation de contrat de Marc-André ter Stegen. Et pour cause. L'Allemand venait d'être élu meilleur joueur de la Liga après avoir réalisé 26 "clean sheets", un record, lors de la saison du titre en 2022-2023. Pour Joan Laporta, le Barça possédait tout simplement le meilleur gardien du monde. « Ter Stegen est une valeur sûre dans les buts », s'enthousiasmait alors le président. « C'est un homme de grande valeur. Il s'est adapté au club, à la ville, au pays. C'est pour cela qu'il est l'un de nos capitaines. Nous sommes ravis de l'avoir. »

Mais ce qui réjouissait encore plus Laporta, c'était que Ter Stegen avait accepté d'étaler son salaire de manière à donner au club un peu d'air par rapport aux règles salariales strictes de la Liga. « Nous devons le remercier d'avoir réaménagé son contrat, car cela nous a permis de recruter d'autres joueurs », avait reconnu le président.

Ce n'était pas la première fois que Ter Stegen aidait le club à joindre les deux bouts. Sa prolongation précédente, signée en pleine crise du Covid, incluait déjà un report de salaire qui avait considérablement soulagé ses employeurs. Le problème pour le Barça aujourd'hui, c'est que Ter Stegen n'est plus d'humeur à faire des cadeaux à un club toujours à court d'argent.

L'année dernière seulement, après le départ de Sergi Roberto, Marc-André ter Stegen était nommé nouveau capitaine du Barça. Une suite logique pour un joueur qui avait déjà porté le brassard à plusieurs reprises et qui comptait dix ans de service au club. Le vestiaire l'avait d'ailleurs plébiscité. « Nous commençons cette nouvelle saison avec un grand enthousiasme et nous souhaitons la bienvenue au nouveau coach », déclarait-il lors de sa première prise de parole en août dernier. « Nous espérons que ce sera une saison pleine de succès. »

Et ce fut le cas. Malgré une déception en Ligue des Champions, le Barça a battu son grand rival, le Real Madrid, à quatre reprises et a réalisé un triplé sur la scène nationale. Une renaissance à laquelle Ter Stegen, pourtant, n'a que très peu participé. Victime d'une rupture du tendon rotulien du genou droit, il a été écarté des terrains pendant sept mois, ne disputant que neuf petits matchs. Lorsqu'il a enfin été apte à rejouer, début mai, beaucoup de choses avaient changé. Et pas en sa faveur.

La blessure de Ter Stegen a plongé le Barça dans l'embarras. En urgence, le club a dû trouver une solution de rechange et s'est tourné vers Wojciech Szczęsny. Ce qui ne devait être qu'un pansement s'est révélé être une signature inspirée. Le Polonais venait tout juste d'annoncer sa retraite après son départ de la Juventus. Initialement recruté pour être la doublure d'Iñaki Peña, il s'est avéré être un remplaçant bien plus compétent que prévu pour Ter Stegen.

À 35 ans, il a réalisé 14 "clean sheets" en 30 apparitions et n'a jamais connu la défaite en championnat. Des performances qui expliquent pourquoi le Barça a décidé, le 7 juillet, de prolonger son contrat jusqu'en 2027. Mais à ce stade, le club avait déjà conclu un autre accord, envoyant un message encore plus clair : Marc-André ter Stegen était devenu superflu.

Le 18 juin, le Barça a officialisé l'arrivée de Joan Garcia, en provenance du voisin de l'Espanyol, après avoir levé sa clause libératoire de 25 millions d'euros. Une décision qui a surpris beaucoup d'observateurs. Avec un Ter Stegen de retour et un Szczęsny performant, le poste de gardien ne semblait pas être une priorité.

Cependant, le directeur sportif, Deco, a estimé que l'opportunité de recruter l'un des gardiens les plus prometteurs d'Espagne pour un prix aussi bas était trop belle pour être manquée. « J'ai beaucoup de respect pour Marc, mais avec Joan, nous devions prendre une décision pour le présent et pour l'avenir », a expliqué l'ancien milieu de terrain à La Vanguardia. « Il pourrait jouer tout de suite, ou être sur le banc et jouer dans un ou deux ans. C'est l'entraîneur qui décidera. » Un discours qui sonne comme un désaveu pour le capitaine en titre, clairement poussé sur la touche par la nouvelle politique du club.

Le discours de Deco a été repris en chœur par Laporta, qui a lui aussi insisté sur le fait que Flick aurait le dernier mot. Mais le président du Barça a ajouté un détail révélateur : le coach aurait clairement identifié le poste de gardien comme un secteur qui « devait être renforcé ». Un sous-entendu qui laisse penser que la méfiance envers Ter Stegen ne date pas d'hier, certains évoquant même des tensions remontant à leur collaboration en équipe d'Allemagne.

« Joan Garcia était l'une de nos cibles, l'opportunité s'est présentée et Deco l'a saisie », a expliqué Laporta, avant de lâcher la bombe : « Marc-André est un joueur important, mais après sa blessure au genou, un problème au bas du dos s'est aggravé, l'empêchant de s'entraîner. Il doit maintenant décider s'il se fait opérer ou non ».

Que Ter Stegen choisisse finalement l'opération n'a pas surpris le club. Ce qui l'a stupéfié, en revanche, c'est sa décision de révéler publiquement la durée de son indisponibilité. Le 24 juillet, dans une lettre ouverte aux supporters, il a annoncé qu'il lui faudrait trois mois pour se remettre de son opération du dos. Un geste anodin en apparence, mais lourd de sens. Le règlement de la Liga autorise un club à utiliser 80 % de la masse salariale d'un joueur blessé pour inscrire une nouvelle recrue, à condition que l'indisponibilité soit d'au moins quatre mois. En précisant une durée de trois mois, Ter Stegen a été perçu par la presse espagnole comme ayant délibérément saboté les plans du Barça, en représailles aux tentatives du club de le pousser dehors.

La colère de Laporta, Deco et Flick serait telle qu'ils envisageraient de lui retirer le brassard de capitaine. Dans le même temps, des "fuites" dans les médias catalans ont commencé à écorner l'image du joueur, l'accusant notamment de ne pas avoir fait le déplacement à Milan pour soutenir ses coéquipiers en demi-finale de Ligue des Champions, vexé de ne pas avoir été inscrit sur la liste. La guerre est déclarée.

Quelle que soit la vérité sur cet épisode, il est clair que la blessure de Ter Stegen, et surtout sa communication, ont plongé le Barça dans une situation financière encore plus précaire. Dans un monde idéal, le club se serait séparé de son capitaine dès l'ouverture du mercato. Il se murmurait même que le Barça était prêt à le laisser partir gratuitement, simplement pour se délester des 42 millions d'euros de salaire qu'il lui doit encore jusqu'en 2028. Mais Ter Stegen a toujours affirmé qu'il n'avait aucune intention de partir. Sa blessure signifie désormais que le club est coincé avec un capitaine dont il ne veut plus, au moins jusqu'en janvier.

Prédire la suite de cette guerre entre le club et son capitaine est impossible. Pour l'heure, Laporta a déjà annoncé qu'il n'y aurait plus de nouvelles recrues cet été. Un coup dur pour Hansi Flick, qui réclamait un défenseur. Se concentrer uniquement sur les ventes semble, pour une fois, être une approche étonnamment sensée pour le Barça. Car le simple fait d'inscrire Joan Garcia à temps pour le début de la saison s'annonce déjà comme un défi, après que Ter Stegen a délibérément mis des bâtons dans les roues du club.

En résumé, le Barça est, une fois de plus, embourbé dans un chaos qu'il a lui-même créé. L'opération nettoyage s'annonce compliquée. Un désastre pour le club, mais un spectacle passionnant pour tous les autres.