Paul Bernardoni a rallié Clairefontaine lundi à l'occasion du rassemblement de l'équipe de France Espoirs. Prêté à Clermont (Ligue 2) par Bordeaux, où il restait sur une saison blanche, le gardien de 20 ans retrouve le plaisir d'enchaîner les matches. Il reconnaît également que ses moments difficiles en Gironde lui ont permis de se forger en tant qu'homme et joueur de football. Ce jeudi, avec les Bleuets face au Monénégro (19h00), il effectuera son retour au stade de l'Aube, l'antre de l'ESTAC dans laquelle il s'est révélé en Ligue 1, en 2015-2016.
Notre interview avec Paul Bernardoni pendant l'Euro U19
Vous effectuez votre retour au Stade de l'Aube, c'est quelque chose qui doit vous faire plaisir...
Paul Bernardoni : C'est clair. J'ai encore des amis à Troyes, j'étais d'ailleurs au stade dimanche (pour Troyes-ASSE, ndlr). C'est toujours particulier de revenir dans son ancien jardin. C'est vraiment plaisant. Troyes, c'est mon club formateur, c'est là où j'ai montré mes qualités, je n'ai que de bons souvenirs là-bas. Je ne pourrai jamais critiquer ce club.
Sylvain Ripoll a de nouveau fait appel à vos services, qu'est-ce que cette convocation représente pour vous ?
L'équipe de France Espoirs, c'est un cap en plus. La dernière fois, j'avais déjà été convoqué et j'espérais l'être, forcément, mais je me disais que si je n'étais pas dans la liste, il ne fallait pas le prendre comme une fin en soit. Être appelé en Espoirs, c'est quelque chose qui s'inscrit dans une belle évolution.
Avez-vous le sentiment d'avoir passé un cap en l'espace de quelques matches avec Clermont ?
Comme tous joueurs, quand on enchaîne les matches, on se sent de mieux en mieux. Clermont fait un bon début de saison. Je suis aussi satisfait et j'espère que ça va continuer parce qu'il ne suffit pas d'être bon dix matches. Ce qui compte, c'est la régularité. Quand on termine des matches avec des clean-sheets (6 en 10 matches de championnat, ndlr), c'est flatteur, mais il y a aussi une défense qui assure derrière. Je suis vraiment très content de ce début de saison. Maintenant, on reçoit Le Havre et il faut que ça continue.
Était-ce une nécessité pour vous de quitter Bordeaux après une saison blanche ?
C'était clair et net. Il fallait que je parte parce que je savais très bien que je n'allais pas jouer. Ce n'était plus possible et Bordeaux était d'accord avec ça. Mes agents ont trouvé cette opportunité à Clermont. Bordeaux a fait le nécessaire pour que ça se fasse et c'est tant mieux.
"Je ne suis plus le même homme qu'à mon arrivée à Bordeaux"
Comment avez-vous vécu cette saison sans jouer à Bordeaux ?
Comme je l'ai toujours dit, ça me servira même si c'était une période compliquée. On a beau dire qu'on fait un métier de rêve, quand on ne joue pas, c'est compliqué d'arriver le matin et de donner tout ce qu'on a. J'ai appris, notamment au niveau de la frustration. Aujourd'hui, je retrouve le plaisir de jouer au football au sein d'un super groupe. Ce que j'ai vécu à Bordeaux, je l'ai vécu une fois et je ferai tout pour ne pas le revivre une seconde fois, parce que c'est très dur. Comme dit l'expression : 'tant qu'on n'a pas bouffé de la merde, on ne sait pas trop ce que c'est'. Tout va tellement vite dans le foot...
En traversant cette période, au cours de laquelle vous avez notamment parlé de sujets beaucoup moins joyeux que la victoire à l'Euro U19, votre vision du métier a sûrement évolué...
J'ai appris à connaître le football en soit. Le football, ce n'est pas que les paillettes. Dans un club de haut-niveau comme Bordeaux, si tu n'es pas bon, on te remplace, c'est comme ça. Mais j'ai aussi côtoyé de gros joueurs et même si c'était dur, je ne suis plus le même homme qu'à mon arrivée. J'ai grandi.
Qu'avez-vous ressenti au moment de l'arrivée de Benoît Costil aux Girondins ?
Déjà, je me suis dit que Bordeaux avait réalisé un très bon coup. Si j'étais directeur sportif, je l'aurais fait tout de suite (rires). Forcément, pour moi, ça va être compliqué, mais je me concentre sur ma saison. Les Girondins savent que j'ai envie de jouer et si ça ne le fait pas en fin de saison avec Bordeaux, on verra. Mais je pense d'abord à faire une grosse saison et j'espère que ce sera le cas.
GettyIl n'y a donc aucune rancœur envers Bordeaux...
Oh, pas du tout. Il y a plein de choses qui rentrent en ligne de compte. Si ça n'a pas marché jusqu'ici, c'est sûrement parce qu'ils ont fait des erreurs, mais moi aussi j'en ai faites. Je pars du principe que quand ça ne marche pas quelque part, il ne peut y avoir qu'un fautif, sinon ça serait trop facile. Je sais ce que je n'ai pas bien fait et je travaille pour améliorer ça. Aujourd'hui, je suis content de ce qui m'arrive.
Pendant l'Euro U19, vous nous disiez avoir des progrès à réaliser dans le jeu au pied et la gestion des temps forts, temps faibles, avez-vous l'impression d'avoir progressé là-dessus ?
J'ai progressé, mais il faut encore que je progresse. À Bordeaux, même si je ne jouais pas, je ne me suis jamais dit qu'il fallait que je rentre le premier chez moi après l'entraînement, ce qui m'a permis de passer des caps dans certains domaines. J'ai travaillé avec un monsieur exceptionnel qui s'appelle Pierrot Labat. Il m'a fait passer un cap fabuleux dans le jeu au pied.
Et la gestion des temps forts, temps faibles ?
Ça, c'est quelque chose que tu apprends en match. Par moment, ça peut m'arriver d'avoir l'adrénaline qui monte, mais j'ai toujours mon capitaine ou un défenseur qui me dit : "Là, on se calme". C'est bien parce qu'après un gros arrêt j'avais parfois tendance à être un peu "foufou". Aujourd'hui, j'ai appris à me calmer car derrière il peut y avoir un corner et il ne faut pas se rater.
"Corinne Diacre ? Je milite pour la mixité dans le football"
Aujourd'hui, vous avez la possibilité de travailler tout ça à Clermont où vous avez été coaché par Corinne Diacre, parti entraîner l'équipe de France féminine. Cela fait quoi de travailler avec une femme ?
Vous pouvez voir comment je suis. Pour moi, c'est une coach. C'est ma supérieure et ça a été une expérience super enrichissante. Alors, oui, elle ne manage pas comme un homme. Mais j'ai adoré ses causeries. C'est difficile à expliquer, mais je les trouvais vraiment bien. Certains coaches ont des causeries d'avant-match qui durent 20 minutes. Avec elle, ça durait 5 minutes. Elle nous mettait devant nos responsabilités, nous souhaitait un bon match, et puis voilà. Mais on savait ce qu'on avait à faire. Chaque coach est différent et ce qui la caractérise, c'est la rigueur. On est toujours en contact. Quand elle est partie, elle m'a envoyé un petit texto. Elle m'a dit qu'elle était fière de m'avoir recruté et je l'ai remercié parce que c'est quand même elle qui m'a donné ma chance. Je n'oublie pas.
Pensez-vous, justement, que les femmes devraient être plus intégrées dans le football masculin ?
Sincèrement, je milite pour parce que c'est bien qu'il y ait de la mixité. Le football reste un monde assez macho et c'est bien de voir que des femmes arrivent à s'insérer dans ce milieu. Ça montre que ce n'est pas parce que c'est une femme qu'elle ne peut pas parler de foot. Des fois, vaut mieux mettre une femme compétente qu'un homme qui ne l'est pas.
Comment le départ de Corinne Diacre a-t-il été vécu au sein du groupe ?
Tout le monde était content pour elle parce que le poste qu'on lui a proposé, c'est le Graal. Les coaches, c'est comme les joueurs, ça va, ça vient. Le changement d'entraîneur s'est fait dans le continuité. Il semblerait que la mayonnaise ait pris et j'espère que ça va prendre parce qu'il y a de très belles choses à faire.
La réussite collective passera aussi par de belles performances individuelles, quel est l'objectif désormais ?
Je veux que ce soit dur d'aller jouer contre nous et pour l'instant c'est le cas. On veut se maintenir le plus vite possible. J'ai évidemment des objectifs personnels, des envies de réaliser de nouveaux clean-sheets, mais tout ça c'est dans ma tête. Si je suis performant et régulier, ce sera déjà pas mal.
Propos recueillis par Benjamin Quarez, à Clairefontaine
