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Les Pays-Bas, quel gâchis !

Quand, il y a quelques années, l’UEFA a pris la décision d’élargir le Championnat d’Europe de 16 à 24 nations, la première pensée qui a traversé l’esprit des observateurs c’est que dorénavant plus aucune grande nation du football ne manquera ce rendez-vous. C’est ce que la logique laissait imaginer et pourtant dès l’édition 2016 en France, il se peut fort qu’une sélection continentale de renom brille par son absence, à savoir les Pays-Bas . En perdant contre la Turquie dimanche soir (3-0) , l’équipe batave a considérablement compromis ses chances de terminer…barragiste et il faudrait désormais un miracle pour que Wesley Sneijder et ses coéquipiers puissent voir l’Hexagone l’été prochain. Une véritable anomalie au vu de ce que ce pays regorge comme individualités de même que la riche histoire qu’il possède.

Un bilan calamiteux depuis le Mondial

Pour voir les Pays-Bas rater un Euro , il faut remonter à 1984 et le précédent tournoi organisé en France. Depuis, les Bataves ont toujours répondu présents et ils ont quasi systématiquement franchi la phase des poules (une seule élimination au premier tour), terminant, par ailleurs, une fois vainqueurs (1988) et trois fois demi-finalistes. La non-participation à la prochaine édition de cette compétition représenterait, de fait, un véritable désastre, d’autant plus que dans leur groupe, les Hollandais n’avaient pas à affronter des rivaux redoutables. En plus de la Turquie, leurs plus sérieux adversaires étaient l’Islande et la République Tchèque. Aucun de ces pays n’avait pris part au dernier Mondial au Brésil. Un Mondial que les Néerlandais ont eux, pour rappel, achevé à une honorable troisième place. 

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Comment les Oranje en sont arrivés à un point aussi bas ? Celui d’une sélection incapable de faire honneur à son statut et qui empile les défaites avec une constance alarmante. Depuis septembre 2014, il y en a eu cinq de concédées en dix rencontre disputées. Difficile de faire pire comme bilan pour pays qui était cinquième au classement FIFA il y a encore à peine un an. Les raisons à cette chute libre sont, en réalité, nombreuses mais aucune ne justifie vraiment la rapidité et la brutalité avec laquelle elle s’est déroulée. Car même en étant en plein doute ou en phase de reconstruction, les Néerlandais sont censés disposer de suffisamment de ressources, humaines ou morales, pour ne pas sombrer complètement et limiter ainsi la casse. Or, leur quatrième place dans la poule qualificative démontre que même le minimum n’a pas été assuré. En somme, une vraie catastrophe.

Avec Hiddink, c’est un an de perdu

La première erreur qui a été commise incombe aux dirigeants de la fédération. Pour assurer l’après-Van Gaal, ces derniers avaient choisi de miser sur Guus Hiddink . Malgré sa riche carte de visite, ce dernier était très mal placé pour prendre en mains cette équipe. En raison d’abord de ses méthodes d’un autre âge, de ses choix tactiques plus que discutables et aussi son incapacité à imposer la rigueur et la discipline comme pouvait le faire son prédécesseur. « Il est plus décontracté que Van Gaal, reconnaissait Wesley Sneijder il y a quelques mois. Avec lui, on était plus à l’aise. Je peux comparer Van Gaal à un maitre d’école avec qui tout était très carré et Hiddink à un oncle sympa qui ne froisse personne ». La différence de coaching était tangible et elle peut expliquer en partie le fait que le groupe s’est un peu laissé aller ou a eu du mal à se remobiliser.

Jusqu’à son dernier match sur le banc, Hiddink n’a jamais pu trouver la bonne formule pour bien faire évoluer cette sélection et exploiter son potentiel, qui, sur le papier, était énorme. Son unique fait d’arme c’est une victoire contre l’Espagne (2-0), mais ce fut en amical et à un moment où cela ne comptait pas du tout. Son mandat a donc été un cuisant échec, à des antipodes de ce qu’avait été son premier passage à la tête de cette sélection (1994-1998). Quand, début juillet, il a déposé sa démission c’est un véritable champ de ruines qu’il a délégué à son remplaçant et qui était aussi son adjoint, Daley Blind . De ce dernier, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il y ait des miracles ou un sursaut. Toutefois, les supporters avaient espéré qu’en touchant le fond, leur sélection allait amorcer progressivement une remontée. Mais, au lieu de cela, elle a commencé à creuser pour s’enfoncer encore plus et accentuer son état de malaise. Les revers enregistrés ces derniers jours contre l’Islande (0-1) et la Turquie (0-3) avaient des allures de supplice, une mort à petit feu avec une douloureuse agonie. 

Des cadres qui ne tiennent guère leur rang

De toute évidence, les joueurs, aussi, ont leur part de responsabilité dans cette décadence. Ils sont même les premiers à blâmer pour ce qui est déjà considéré comme l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire du football néerlandais. Pourquoi ? Parce qu’au-delà de ce qu’ils proposaient comme rendement, et les suiveurs de l’équipe en conviennent, ils ont affiché une suffisance déplorable et un manque d’orgueil criant face à l’enchainement des évènements contraires. Il y a bien eu quelques phrases lancées à travers la presse, exhortant à un réveil, mais ces déclarations n’ont jamais trouvé de prolongement sur le terrain. Au contraire, chaque sortie était plus alarmante que la précédente avec cette dernière rencontre en terre turque qui a atteint les sommets de la médiocrité. Un fiasco complet, à en faire retourner Rinus Michels dans sa tombe.

S’il était encore de ce monde, le légendaire technicien se serait arraché les ongles en voyant son football total, devenir un football panique, comme l’a ironiquement souligné la presse locale au lendemain du revers contre l’Islande. En outre, il aurait constaté que les présumés tauliers de l’équipe d’aujourd’hui n’ont absolument rien en commun avec ceux d’hier. A l’exception peut-être d’Arjen Robben, dont le physique fragile a sévi comme un écueil à la volonté de sauver le navire du naufrage, personne ne s’est montré à la hauteur de ce statut. Les Robin Van Persie, Klas-Jan Huntelaar et Wesley Sneijder n’ont absolument pas montré l’exemple. Pis, ils ont été les premiers à perdre pied et s’embourber dans des initiatives individuelles aussi inutiles que frustrantes. Et dire qu’ils avaient été si étincelants l’année dernière au Brésil. 

Les maux dont souffrent les Pays-Bas sont manifestément profonds et nombreux et l’on peut craindre qu’ils aient besoin de beaucoup de temps pour s’en remettre et repartir de l’avant. Néanmoins, l’on peut également penser que cette désastreuse campagne qualificative va peut-être contribuer à un nouveau départ à travers une remise en question totale , voire même une grande reconstruction en partant des bases. Après tout, en 2002, cette sélection avait déjà connu une énorme désillusion en manquant la qualification pour la Coupe du Monde en Asie, mais elle a su tout rebâtir en un temps record et finir demi-finaliste de l’Euro qui a suivi au Portugal. Les fans des Oranje signeraient tout de suite pour un scénario similaire et une présence des leurs dans le dernier carré du Mondial 2018 en Russie. Mais, tout ça ne que théorie et pour les Hollandais le chemin de la rédemption s’annonce aujourd’hui aussi long que tortueux.

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