ENTRETIEN - Poha (Orléans) : "À Rennes, je ne demandais qu'à montrer de quoi j'étais capable"

Denis Will Poha OrléansGetty

Quelques semaines après avoir prolongé son contrat avec le Stade Rennais jusqu'en 2021, Denis-Will Poha était prêté sans option d'achat à Orléans. Un nouveau défi pour le champion d'Europe U19 qui s'est parfaitement acclimaté au niveau de la Ligue 2. Encore jamais apparu en Ligue 1, uniquement en CFA, avec le club breton, le milieu de 20 ans s'est rapidement imposé dans sa nouvelle équipe. Et même s'il reconnaît qu'il aurait espéré vivre une autre saison l'an dernier, il assure avoir appris certaines choses.

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Comment avez-vous vécu la saison dernière à Rennes ?

Denis-Will Poha : C'était une saison un peu compliquée parce que j'ai vu plusieurs joueurs de ma génération émerger et réaliser de super performances avec leur club formateur. Forcément, ça me donnait envie de faire la même chose avec Rennes. Je n'ai pas eu cette chance, même si j'ai joué le match de Coupe de la Ligue contre Monaco (défaite 7-0 le 14 décembre 2016, ndlr). Je me suis concentré sur mon travail et ce que je pouvais mettre au quotidien avec la CFA pour progresser le plus possible. Je savais aussi qu'il y avait une belle échéance avec la Coupe du monde (U20) en fin de saison. Je me suis accroché à ça et j'ai pu compter sur un super coach, Julien Stéphan, qui a fait un super travail avec moi et l'équipe. Avec lui, on a réussi à être une deuxième fois consécutive champions de notre groupe. J'ai pris conscience de plusieurs choses sur ce qui se passe autour du foot, surtout hors du terrain. C'est une saison qui m'a fait grandir en tant que joueur mais aussi en tant qu'homme.

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Vous dites avoir pris conscience de certaines choses autour du foot, surtout hors du terrain, qu'entendez-vous par là ?

J'ai appris que le foot ne se résumait pas seulement à onze joueurs et deux équipes qui s'affrontent. Il y a plein de choses qui se passent autour du foot. Les médias, l'importance de la relation avec les supporters, la visibilité... Je ne connaissais pas tout ça parce que je jouais en CFA, et peut-être que là-dessus je n'ai pas encore fait le travail nécessaire pour avoir l'image qui me correspond et que j'essaye d'avoir.

Aviez-vous quand même l'impression de faire ce qu'il fallait pour être plus souvent avec l'équipe première ?

J'avais l'impression de faire ce qu'il fallait, et même si je voyais que je n'y arrivais pas, je me suis toujours dit que ça finirait par payer. Mes proches ont toujours été là, j'ai une hygiène de vie très correcte, mais ce n'était pas suffisant.

On a souvent tendance à oublier qu'un joueur de football fait d'abord ce métier pour vivre de sa passion et taper dans le ballon...

C'est exactement ça. J'ai toujours été passionné par le foot et quand je vais sur le terrain c'est pour jouer, et rien d'autre. Je me suis fixé des objectifs, j'ai des ambitions et j'essaye de travailler pour avancer, mais avant j'étais juste focalisé sur le fait de jouer. C'est en cela que la saison dernière m'a ouvert les yeux sur plein de choses.

Les supporters ont souvent réclamé votre présence dans le groupe, vous avez aussi reçu plusieurs messages sur les réseaux sociaux...

Ça fait toujours plaisir de recevoir des messages, de ressentir le soutien de quelques supporters, même si je n'ai encore rien apporté au club, en tout cas à l'échelle professionnelle. C'est une bonne chose, ça m'a aidé à me dire que ce que je faisais était bien, qu'il fallait que je continue et que j'étais peut-être sur le bon chemin.


"Christian Gourcuff me juge peut-être trop juste pour la Ligue 1, c'est son droit"


Vous êtes le seul jeune issu du centre de formation du Stade Rennais à être prêté cette saison, était-ce votre propre décision ?

Oui, j'ai fait la demande de partir parce que je sentais que je n'allais pas avoir beaucoup de chances de jouer au Stade Rennais. Les jeunes passent souvent par un prêt qui se révèle parfois bénéfique. Je veux faire en sorte que ça le soit. Je suis le seul jeune à être parti en prêt, mais les autres avaient peut-être aussi plus de garanties de temps de jeu en équipe première. Je n'en sais rien... En tout cas, c'était ma décision et il était hors de question que je fasse une nouvelle saison blanche avec les pros.

Vous avez prolongé jusqu'en 2021 avant de partir, on peut aussi imaginer que le club n'aurait pas accepté de vous prêter si vous n'aviez pas signé ce nouveau contrat...

Peut-être, ce serait surtout au club de répondre à cette question. J'ai simplement dit qu'il était impossible pour moi de ne pas jouer en pro et que je devais jouer en Ligue 1 ou en Ligue 2. Il fallait que je joue, que je m'exprime et que je continue à apprendre au haut-niveau.

Quelle relation entretenez-vous avec Christian Gourcuff qui n'a pas souhaité vous donner votre chance l'an dernier ?

Je ne suis pas proche de lui parce qu'on n'a pas eu trop l'occasion de travailler ensemble au quotidien. On va dire que notre relation n'est pas installée. Il me juge peut-être trop juste pour débuter en Ligue 1, c'est son droit. Il est dans le métier depuis très longtemps et a réalisé de belles choses dans le foot. Tout le monde reconnaît son excellent travail à Lorient et si j'en suis là aujourd'hui, c'est qu'il a ses raisons. Je ne les connais pas vraiment, mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose que je sois en Ligue 2 aujourd'hui parce que j'apprends énormément et j'essaye d'utiliser mon potentiel au maximum. Je suis un joueur qui joue et un joueur qui joue est un joueur épanoui. Chacun son chemin et on verra la route que j'emprunterai.

Denis-Will Poha France U20Getty

Christian Gourcuff traverse une période difficile à Rennes, où les supporters ont réclamé son  départ, quel regard jetez-vous sur les récentes performances de votre club formateur ?

C'est difficile de juger parce que je ne suis plus là. Aujourd'hui, j'ai un regard extérieur, de supporter, et ça me fait mal de voir mon club formateur à cette place au classement (15e). Je pense que cette équipe mérite d'être plus haut, surtout vu les joueurs qui composent l'effectif. J'espère qu'elle va pouvoir se ressaisir au fur et à mesure de la saison afin d'atteindre une place plus en accord avec les attentes des supporters.

Aujourd'hui, vous enchaînez les matches comme titulaire à Orléans, tout se passe comme vous l'espériez...

Comme je l'ai dit plus tôt, un joueur qui joue est un joueur épanoui. Moi, je ne demandais qu'à jouer au foot, à montrer de quoi j'étais capable dans le monde pro. Avec Orléans, on a fait un bon début de saison. On est un peu moins bien en ce moment, mais j'ai trouvé un groupe où tout le monde se sent à sa place, où il fait bon vivre. J'ai été très bien accueilli. On est une bande de frères qui se donnent au maximum sur le terrain pour avoir les meilleurs résultats possibles, et pour ça on peut compter sur un public qui nous soutient beaucoup. On a un coach qui arrive à très bien gérer son groupe, qui est aussi très paternel avec cette bande de frères.


"Pour devenir un joueur de Ligue 1 un jour, il faut déjà que je sois bon en Ligue 2"


Qu'est-ce qui vous a séduit dans le projet orléanais et aviez-vous d'autres propositions ?

Orléans, c'est le premier club avec lequel j'ai eu quelque chose de concret. Je vais sortir une phrase un peu bateau, mais c'est le discours du coach (Didier Ollé-Nicolle) qui m'a convaincu. Il ne m'a pas mis de paillettes dans les yeux en me disant que j'allais jouer chaque match en tant que titulaire. Il m'a dit que si je venais ici c'était pour travailler afin de devenir le joueur que je n'étais pas encore puisque je n'avais encore jamais joué à ce niveau. Pour devenir un joueur de Ligue 1 un jour, il faut déjà que je sois un bon joueur de Ligue 2. Je suis venu à Orléans dans l'optique de travailler et de passer les caps qu'il me reste à franchir.

Avec 10 matches de Ligue 2, 10 titularisations et 2 buts, vous en avez sûrement déjà passé...

Clairement. À chaque match, j'apprends de nouvelles choses et forcément je deviens un meilleur joueur. J'adapte mon jeu et j'essaye de faire en sorte de travailler du mieux possible.

Vous ne semblez pas surpris ni impressionné par le niveau du championnat...

Il n'y a pas grand-chose qui m'impressionne. Quand j'ai la chance d'être sur le terrain, sachant que j'ai une terrible soif de jouer, j'essaye de donner raison à la personne qui m'a fait confiance et pour l'instant ça me sourit puisque j'enchaîne les matches.

Plusieurs internationaux U20 comme Paul Bernardoni et Lucas Tousart, avec qui vous avez été champion d'Europe U19, ont intégré les Espoirs. Est-ce que vous y pensez également ?

C'est une possibilité, mais je pense que pour y arriver le meilleur chemin à prendre c'est de rester concentré sur son club, d'être le plus performant possible et de progresser encore et encore. Si ça doit venir, ça viendra.

Quelles sont vos objectifs pour la suite avec Orléans ?

L'objectif, c'est d'aider l'équipe et d'obtenir le plus de temps de jeu possible. Ce sera un travail collectif, bien sûr, mais j'espère bien réaliser une bonne saison pour permettre à l'équipe de terminer à une belle place en championnat.

Avant de revenir à Rennes et de vous imposer enfin avec l'équipe première ?

Pour l'instant, je suis concentré à 100% sur Orléans, sur ce que je dois faire sur le terrain, et rien d'autre.

Propos recueillis par Benjamin Quarez