La Coupe du Monde 2018 démarre dans quatre jours. Le compte à rebours final est désormais lancé. Pour prendre son mal en patience et aussi faire honneur au pays hôte, Goal vous propose une série d'interviews exclusives avec d'anciennes légendes du football russe. Après ceux d'Oleg Salenko, de Roman Pavlyuchenko, d'Oleg Romantsev et d'Igor Yanovski, retrouvez aujourd'hui un entretien avec Dmitri Sychev, l'ex-chouchou du Vélodrome.
Sychev n'a passé que deux années à l'Olympique de Marseille (2002-04). Ses statistiques avec la formation phocéenne n'étaient pas ébouriffantes (7 buts en 44 matches), mais il y a tout de même laissé une trace. Sa fraicheur, son insouciance et ses provocations balle au pied, alors qu'il n'avait pas encore vingt ans, étaient très appréciées des fans olympiens. Aujourd'hui, l'ancien international russe (46 capes) a 34 ans. Mais il n'est pas encore à la retraite. Il passe ses week-ends sur les pelouses de la troisième division russe, à guider la jeune équipe de Kazanka et qui est aussi la réserve du Lokomotiv. Toujours avec autant de passion et d'envie. Dans cette interview, il nous raconte cet ultime challenge de sa carrière, ainsi que les liens particuliers qu'il garde avec Marseille.
"En France, je ne supporte que l'OM"
Pour commencer, comment allez-vous ? On a vu que vous jouiez encore au football. Racontez-nous un peu….
Dmitri Sychev : Après une pause forcée dans le football, j'ai pensé à changer d'endroit pour exercer mon métier. J'ai essayé de me tester dans d'autres pays, d'autres régions. Puis, j'ai reçu une offre pour retourner au Lokomotiv, et plus précisément au sein du club de "Kazanka", qui n'est autre que l'équipe B du club. C'était une belle solution pour retrouver la forme et, si possible, être utile au club. En participant notamment à l'éducation des jeunes, les aider à grandir, à progresser et aussi à découvrir le monde professionnel.
Le Kazanka FC, c'est donc une équipe avec une atmosphère plutôt familiale…
Oui, on peut dire ça. On y retrouve des garçons issus des équipes de jeunes mais qui n'ont pas réussi à intégrer l'équipe première. Ces joueurs sont donc regroupés au Kazanka FC, qui est en quelque sorte la réserve du Lokomotiv. La formation évolue en PFL (la troisième division russe). Ce ne sont que des jeunes mais dans leur championnat ils sont confrontés à des joueurs adultes. C'est une bonne façon d'accumuler de l'expérience et cela aide aussi l'équipe A du Lokomotiv. Ils peuvent à tout moment venir puiser des joueurs chez nous. C'est donc profitable à tout le monde.
Prochain match:
N'est-ce pas difficile de descendre de deux ou trois étages lorsqu'on a été joueur au plus haut niveau ?
Non, ce n'est pas difficile, parce que je sais ce que je veux pour mon futur. Mon but est de me maintenir en forme, mais aussi et surtout d'aider ces jeunes à acquérir un vécu, leur faire partager quelques compétences que j'ai acquises durant mon parcours et aussi aider l'équipe première du Lokomotiv à récupérer des joueurs avec un bon niveau. C'est très important, et c'est même très intéressant pour moi. D'une certaine façon, je veux que mon destin reste lié à celui du Lokomotiv, un club où j'ai passé plus de onze ans de ma carrière.
Quels souvenirs gardez-vous de votre séjour en France ?
Que de bons et agréables souvenirs. Je n'ai que de bons sentiments en repensant à mon séjour en France, et je regrette vraiment de ne pas y être resté plus longtemps. Mais ce fut quand même une expérience mémorable. Et je suis très content d'avoir évolué dans une ville où il y a une telle passion des fans. Des fans qui font preuve à la fois d'un grand amour envers leur équipe, et aussi beaucoup d'exigence. Seule la première place importe à leurs yeux. Pour moi, c'était vraiment très intéressant comme nouvelle expérience et j'ai joué avec de très grands joueurs comme Barthez, Drogba, Leboeuf. Un jeune joueur comme je l'étais à l'époque ne pouvait qu'apprendre à côté de tous ces gars-là. J'ai d'ailleurs beaucoup appris d'eux, et cela m'a aidé par la suite dans ma carrière.
Et aujourd'hui, l'OM est toujours dans votre cœur ?
Oui, bien sûr ! Il reste dans mon cœur. Parce que j'ai vécu de très grandes choses là-bas et les supporters m'ont beaucoup marqué. La façon dont ils m'ont accepté, dont ils m'ont aimé, mais aussi toutes nos victoires et les buts que j'ai inscrits, tout ça restera à jamais dans mon cœur. En France, je ne supporte que Marseille, et je suis constamment l'équipe et ses performances. J'ai été d'ailleurs très heureux qu'ils aient finalement remporté le championnat en 2010. Et aujourd'hui encore, ils continuent à se maintenir à un très haut niveau.
Vous vous souvenez de la chanson que les fans chantaient en votre honneur ?
Bien sûr, comment pourrai-je l'oublier ? C'est quelque chose d'inoubliable.
"Les blessures font partie d'une carrière, il ne faut pas s'en plaindre"
Avez-vous encore des amis à Marseille de cette époque-là ?
Oui, j'ai gardé des attaches et j'ai quelques amis là-bas. Cette ville reste dans mon cœur pour toujours. Mes parents s'y rendent d'ailleurs chaque année en vacances. Et moi aussi j'y vais le plus souvent possible. Je m'y rends pour voir l'endroit, me promener ou pour visiter le Vélodrome.
Le milieu marseillais Maxime Lopez a récemment dit qu'il était fan de vous lorsqu'il était petit. C'est quelque chose qui doit vous faire plaisir, n'est-ce pas ?
Ah, je ne savais pas. Bien sûr que c'est plaisant d'entendre ça. Des nouvelles comme celles-ci n'arrivent pas jusqu'à chez nous (rires). Et ça fait plaisir, car j'ai vraiment tout donné lorsque je jouais à l'OM. J'étais très motivé pour montrer que les Russes savent jouer au football.
Qu'est-ce qui vous a manqué pour connaitre une carrière encore plus réussie à l'étranger ?
Et bien, vous savez, la mentalité russe, vous la connaissez… J'étais très jeune et les difficultés se manifestent très vite au plus haut niveau. Parce qu'à 21 ans, vous êtes encore relativement jeune pour comprendre. Comprendre notamment comment il faut jouer pour pouvoir être à la hauteur contre des équipes comme le Real Madrid, le FC Porto. Le jeune russe que j'étais manquait d'expérience et c'est ce qui fait que c'était un peu difficile.
En France, on a un peu le sentiment que vous n'avez pas atteint le niveau auquel prédestinait votre talent. C'est peut-être les blessures récurrentes qui vous ont pénalisé…
Probablement, oui. Mais bon, les blessures elles arrivent à tout le monde et elles sont dommageables. Peut-être que oui, mais aujourd'hui c'est difficile à dire. Je suis content de la carrière que j'ai eue. Vous savez, chez nous en Russie, on n'a pas trop l'habitude de spéculer sur ce qui aurait pu se produire, ou ne pas se produire… S'il y a une blessure, alors c'est comme ça, on ne peut rien y faire. Et si on atteint et qu'on accomplit quelque chose, c'est qu'on le mérite.
Vous faisiez partie de l'équipe russe qui avait atteint les demi-finales de l'Euro en 2008. Ça reste, jusqu'à aujourd'hui, la meilleure performance de cette sélection dans un grand tournoi…
Oui, après une très longue attente, nous avons enfin connu un grand succès. Cela faisait très longtemps qu'on n'avait pas été aussi performants dans une grande compétition. En 2008, on avait une très belle génération et elle a vraiment pu exprimer tout son potentiel sous la direction de Guus Hiddink. On a donné beaucoup de joie aux Russes en atteignant le dernier carré et en battant les Pays-Bas comme on l'avait fait.
Et que pensez-vous de la sélection russe actuelle ? Peut-elle aller loin lors de la prochaine Coupe du Monde ?
Je crois que nous avons de bons joueurs et vu que le Mondial se joue chez nous, il faut qu'on remplisse au moins l'objectif minimum, qui est la qualification pour les huitièmes de finale. Ça fera plaisir à tous nos fans. Par la suite, cela dépendra de l'équipe mais aussi de la chance. Tout le monde espère que la Russie soit capable de surprendre et de s'extirper de son groupe. Et ensuite, l'idéal serait d'atteindre les places d'honneur.
Y a-t-il un joueur russe que vous nous invitez à suivre avec attention ?
Je dirais Fedor Smolov et Aleksandr Golovin.
L'indisponibilité d'Aleksandr Kokorin, c'est un gros coup dur pour la Russie ?
Oui, c'est une très grosse perte. Parce qu'à l'heure actuelle c'est l'un des tous meilleurs joueurs de notre championnat. Et sans lui, ça sera bien sûr plus difficile pour nous. Sa blessure a été une très mauvaise nouvelle. Mais bon, aujourd'hui il faut le soutenir pour qu'il revienne encore plus fort et porte plus haut sa carrière.
Dernière question, quand est-ce que le peuple marseillais pourrait vous revoir ?
Honnêtement, et comme je l'ai dit, je me rends souvent là-bas en vacances. Cet été, juste après la Coupe du Monde, je vais certainement aller en France et faire un détour par le Stade Vélodrome. Pour soutenir mon ancienne équipe. Oui, j'y serai très certainement.
Propos recueillis par Naïm Beneddra