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ENTRETIEN - Abdou Diallo (Mayence) : "Vu d’Allemagne, les jeunes français sont hyper talentueux"

Comme Jean-Kévin Augustin (PSG) et Mickaël Cuisance (M'Gladbach), pour ne citer qu'eux, Abdou Diallo (21 ans) a décidé de rejoindre l'Allemagne l'été dernier. Un choix de carrière réfléchi pour celui qui porte le brassard de l'équipe de France Espoirs aujourd'hui. Titulaire à Mayence, l'ancien Monégasque engrange l'expérience qu'il espérait acquérir sur le Rocher. Mais c'est "sans regrets" qu'il a rejoint la Bundesliga. Un championnat dans lequel les jeunes joueurs français se mettent chaque week-end en évidence.

Entretien avec l'international Espoirs, Houssem Aouar (OL)

Vous avez quitté Monaco pour Mayence l'été dernier, comment ça se passe pour vous là-bas ?

Abdou Diallo : Très, très bien. Je me suis bien adapté. J'ai du temps de jeu, les résultats sont corrects. On peut toujours faire mieux, mais c'est positif pour l'instant.

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Qu'est-ce qui vous a séduit dans le projet de Mayence, 13e de Bundesliga ?

Ce qui m'a séduit dans le projet, c'est le projet en lui-même. Le coach (Sandro Schwarz) s'est déplacé pendant la présaison. Il est venu me voir à Monaco, il voulait voir l'homme. J'ai pu l'avoir en face de moi, ressentir la personne. À partir de là, j'ai compris que j'avais affaire à un bonhomme. Il s'est déplacé, on a parlé pendant une heure. Je me suis surpris en anglais d'ailleurs (rires). On a bien accroché et à la suite de cet entretien, il n'y avait plus de doutes, je savais que j'allais aller là-bas.

Tout s'est fait très rapidement avec Mayence, alors que votre nom avait circulé en Italie, notamment...

Ils ont été très méthodiques, très professionnels et très efficaces. Ils ont d'abord contacté mon agent, tout réglé avec lui, avec mon consentement, et une fois qu'ils étaient sûrs qu'ils pourraient réaliser le transfert ils ont tenu à me rencontrer. S'ils n'avaient pas été sûrs de la faisabilité du transfert, il n'était pas question pour eux de venir m'embêter. 

Vous n'êtes pas le seul de votre génération à avoir choisi l'Allemagne. Ce championnat semble avoir pris de la valeur aux yeux des joueurs français ?

Totalement. Pourtant, dans les foyers, je n'ai pas l'impression qu'on regarde beaucoup le championnat allemand. J'espère que la venue des Français va faire que les familles regarderont. Tous les joueurs français, aujourd'hui, se rendent compte du niveau de la Bundesliga. Peut-être la sous-estiment-t-il encore un peu, mais globalement ils ont conscience que c'est un bon championnat. En jouant là-bas, je me suis rendu compte que ça allait au-delà de ce que je pensais. Il y a un très, très bon niveau, et forcément ça attire. Quand tu as en face de toi des personnes  professionnelles, qui travaillent bien, c'est une évidence.

Vous dîtes que les foyers français ne regardent pas trop la Bundesliga, était-ce votre cas avant de signer à Mayence ?

Du tout. Je regardais forcément les grosses équipes, les gros matches. Mais je n'étais pas focalisé sur la Bundesliga. Vu de France, c'est plus l'Espagne, l'Angleterre et l'Italie, mais j'ai découvert bien mieux que ce que je pouvais espérer.


"La sélection de Pavard va tous nous pousser vers le haut"


Le regard des Allemands sur le championnat français n'a-t-il pas également évolué ?

Quand je parle avec les gens là-bas, ils sont tous unanimes sur le talent qu'il y a en France. Ils pensent que les jeunes français sont hyper talentueux, ce qui n'est pas faux d'ailleurs. Quand on leur parle de la France du football, ils pensent aux jeunes et ils disent qu'il y a des jeunes qui sont exceptionnels. Donc oui, je pense que c'est de là que vient l'intérêt. Que des joueurs comme Kingsley Coman ou Ousmane Dembélé percent en Allemagne ou ailleurs, ça nous fait du bien à tous. Par exemple, voir Benjamin Pavard être retenu en équipe de France, c'est super pour lui, et c'est super nous. Ça va tous nous tirer vers le haut, attirer la lumière sur les Espoirs et les jeunes qui sont partis en Allemagne.

C'est également une bonne chose pour l'avenir de la sélection...

C'est sûr. Ce sera un casse-tête pour le sélectionneur, mais c'est quelque chose de positif.

Un destin à la Benjamin Pavard, justement, est-ce quelque chose qui vous trotte dans la tête ?

Chacun son chemin. C'est son tour, j'espère qu'il profitera et qu'il saisira la chance qui s'offre à lui. Si ça doit venir pour moi un jour, je l'accueillerais à bras ouverts, mais je ne me prends pas la tête avec ça. Avec le travail, tout arrive.

Avez-vous été surpris par sa sélection ?

Je pense que tout le monde a été surpris, même lui. Mais en y réfléchissant, si tu ne le prenais pas lui, tu prenais qui ? Je pense que c'est mérité.

On parlait des joueurs de votre génération qui ont rejoint la Bundesliga, avez-vous sondé certains amis avant de signer ?

Je connaissais déjà Jean-Philippe Gbamin à Mayence. J'ai pu discuter avec lui bien avant que je pense à aller en Bundesliga parce qu'on était en Espoirs ensemble. Je connaissais aussi l'ancien Messin Gaëtan Bussmann qui joue également avec moi. J'ai pu discuter avec ces deux joueurs, puis au fur et à mesure j'ai discuté avec d'autres, comme Sébastien Haller qui a signé à Francfort. On est tous unanimes sur une chose, c'est qu'on est contents d'être là-bas.


"À Monaco, je sentais qu'on ne me faisait pas confiance"


Comment ça se passe au niveau de la méthodologie de travail et de la rigueur au quotidien en Allemagne ?

On travaille avec des gens professionnels, rigoureux. Tout le monde est logé à la même enseigne, et c'est ce que j'aime. Que tu sois vieux, jeune, kiné, magasinier ou autres, tu es respecté pour ton travail et jugé de la même manière.

Avez-vous l'impression d'avoir déjà progressé grâce à cette rigueur de travail ?

Bien sûr. J'engrange des minutes précieuses. La Bundesliga, c'est le top niveau, avec une top intensité. Mais au-delà des entraînements, de la méthodologie de travail, il n'y a rien qui remplace un match. J'ai la chance de jouer et grâce à ça, forcément, je progresse.

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Vous diriez que vous avez progressé dans quels domaines extactement ?

C'est un tout. L'expérience, c'est quelque chose qui ne s'achète pas. Tu ne peux pas t'entraîner et te dire que tu vas être bon à l'entraînement. Il faut que tu joues, que tu sois confronté à des situations, que tu fasses des gestes décisifs, que tu affrontes des grands attaquants. C'est ça l'expérience.

Ces progrès, vous ne pensiez pas pouvoir les réaliser à Monaco ?

Non, puisque je ne jouais pas. Comme je le disais, il n'y a rien qui remplace un match, et à Monaco, j'aurais pu progresser à vitesse grand V seulement si j'avais eu du temps de jeu. Faire de bonnes performances à Monaco ou dans un petit club, ça n'a pas la même résonnance. Mais dans ma situation, je sentais qu'on ne me faisait pas forcément confiance.

On peut en déduire que vous n'aviez pas de temps à perdre...

C'est un peu ça. Je suis resté l'année dernière parce que je pensais jouer ma carte à fond. Je l'ai joué à fond, d'ailleurs, mais ce n'est pas passé. Je continue ma route, sans regrets.

Pensez-vous qu'on ne donne pas suffisamment la chance aux jeunes dans notre pays ?

Je pourrais répondre que oui, parce que dans mon cas c'est ce qui s'est passé, mais en même temps il y a des joueurs qui réussissent. On peut le voir en équipe de France Espoirs. Toutes les situations sont différentes, mais si je devais parler de façon générale, je pense qu'il y a une réflexion plus longue pour lancer un jeune en France qu'en Allemagne.

On a tendance à dire qu'un "jeune" est trop jeune ou qu'un "vieux" est trop vieux. La France a-t-elle un problème avec l'âge, selon vous ?

Ça dépend des clubs et ça dépend aussi de la situation dans laquelle sont les joueurs. Pour un jeune acheté, non formé au club, la situation est souvent différente, mais de manière générale la question se pose moins en Allemagne, c'est une réalité.


"Almamy Touré ? Si j'étais la France, je le naturaliserais tout de suite"


Pour prendre un cas précis, parlons de Monaco, votre club formateur que vous avez donc quitté l'été dernier...

Après la génération des (Yannick) Carrasco, Nampalys Mendy et autres, qui avaient du temps de jeu en Ligue 2, il n'y a eu que Almamy (Touré) et Kylian (Mbappé) qui ont réellement percé à Monaco. Je n'en vois pas d'autres. Ce sont deux phénomènes. Almamy a eu quelques pépins physiques, mais je pense qu'il pourrait postuler aisément à l'équipe de France s'il avait la nationalité. Je dis bien aisément, parce que pour moi, c'est vraiment un crack.

Au niveau des statistiques, il est d'ailleurs à 11 passes décisives en Ligue 1 depuis 2015/2016 pour seulement 30 matches joués...

L'année dernière, à chaque fois qu'il jouait, il était dans l'équipe-type. C'est exceptionnel. Si j'étais la France, je le naturaliserais tout de suite (rires). Mais à Monaco, à part lui et Kylian, ce n'est pas passé pour les autres.

Comment expliquez-vous cela ?

Je ne sais pas. La génération de mon petit frère a gagné la Gambardella la saison dernière, et aucun n'a repris avec les pros. C'est du jamais vu. Je pense même qu'au PSG, si l'équipe gagnait la Gambardella, certains reprendraient en pro. Nous, on a gagné les play-offs U19 et il n'y a que Almamy qui est sorti. Pourtant, quand on regarde les vainqueurs de la Gambardella de la génération Kurzawa, ils sont tous passés pro. Il n'y avait certes pas les mêmes joueurs, c'était une autre époque, mais ce n'est pas pour autant que ceux de ma génération n'avaient pas le niveau.

Est-ce un sujet que vous abordez votre petit frère, Ibrahima Diallo (18 ans) ?

Non, parce que je n'ai pas envie de le parasiter avec ces choses là. Ce ne sont pas des questions qu'il doit se poser aujourd'hui. Il doit simplement jouer sa carte à fond. Ce n'est pas parce que ce n'est passé pour moi que ça ne va pas passer pour lui. Le foot, ça va très vite, il faut qu'il s'accroche, qu'il donne tout, qu'il ne cogite pas, et il prendra les décisions en temps voulu. J'espère qu'il aura très vite sa chance, qu'il la saisira et qu'il s'imposera à Monaco.

Il a ses objectifs à Monaco, vous avez les vôtres avec Mayence. Vous venez de marquer votre deuxième but en Bundesliga...

Je vous rassure direct, je n'ai pas pour objectif de changer de poste (rires). Ça fait plaisir de marquer, mais j'espère toujours plus. J'espère être plus performant, marquer encore, je veux prendre moins de buts. C'est le quotidien du footballeur d'être dur avec lui-même, mais si je prends du recul ça me réussit plutôt bien.

Vous figurez pour la troisième fois de la saison dans l'équipe-type de la Bundesliga cette semaine, donc oui ça vous réussit plutôt bien...

C'est possible, mais ce n'est pas quelque chose que je regarde, surtout quans c'est écrit en allemand (rires).

Apprendre l'Allemand, voilà un objectif tout trouvé pour la suite...

J'ai des cours d'allemand deux fois par semaine pendant 1h30. C'est un peu compliqué, mais je m'accroche. Maîtriser plusieurs langues, se cultiver, connaître plusieurs pays, plusieurs cultures, plusieurs façons de vivre, c'est une richesse. J'ai un métier qui me permet de vivre ce genre d'expériences, autant en profiter. 

Propos recueillis par Benjamin Quarez, à Clairefontaine

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