Avant Manchester City-Chelsea : Hazard-Higuain, les HH font déjà des étincelles

On dit que les relations particulières naissent quelque part et ne se transposent pas toujours. Mais le football a ses petits secrets. Entre un joueur et un entraîneur, tout est question de feeling. José Mourinho a eu ses soldats. Pep Guardiola a eu ses artistes. Maurizio Sarri, lui, a ses hommes du Napoli. Après Jorginho, l'homme à la cigarette a récupéré en prêt cet hiver Gonzalo Higuain, le buteur attitré qui l'a aidé à écrire les plus belles pages de sa longue carrière. Ces deux-là sont montés tout en haut. Et ils étaient en bas, fin janvier, quand ils se sont retrouvés.

Après avoir replacé Eden Hazard temporairement dans l'axe, Sarri avait pourtant une idée derrière la tête : faire émerger une connivence technique pour relancer des Blues bien ternes depuis quelques semaines. Et si Eden Hazard s'occupait de (presque) tout depuis le début de saison, Gonzalo Higuain a tous les atouts pour être la deuxième tête forte de l'attaque. La première cauchemardesque à Bournemouth (défaite 4-0) a été atténuée par le baptême réussi de l'Argentin à Stamford Bridge. C'était samedi dernier, contre la lanterne rouge, Huddersfield (5-0) - ce qui engendre une certaine retenue avant de grimper au rideau, évidemment. Mais par les temps qui courent, il faut bien capitaliser sur quelque chose. Scrutée, disséquée, l'association Hazard-Higuain en a trop montré pour ne pas continuer à briller dans des combats un peu plus rudes.

La complicité, pas qu'une affaire de technique

Il y a le résultat brut, bien-sûr. Passons rapidement sur ce succès attendu et aisé contre une défense aux abois avec un doublé pour "Pipita" Higuain - qui a ainsi débloqué son compteur en Angleterre - et un doublé pour Eden, encore, dans son jardin. Et il y a le jeu, surtout. Un génie mobile qui crée des brèches par ses coups de boutoir incessants et un attaquant de fixation obsédé par le but appelle à une complicité évidente, presque naturelle. Le football n'étant pas une science exacte, ces deux pièces ne se complètent pas, parfois, dans le puzzle d'une équipe. Pour Chelsea, ce n'est pas le cas. Hazard et Higuain se sont mutuellement bonifiés parce qu'ils se sont toujours cherchés. Les profils de deux joueurs ne suffisent pas à créer une entente. C'est aussi une affaire de volonté.

Et sur ce match aux allures d'entraînement, Hazard et Higuain sont les deux joueurs qui ont le plus échangé. Repositionné dans la zone qui le sublime, côté gauche, Eden Hazard a multiplié les incursions plein axe pour amorcer des une-deux avec l'Argentin, dont le talent ne se limite pas à sa finition clinique. Higuain s'illustre aussi par la finesse de ses remises, son jeu dos au but, l'intelligence de ses déplacements et sa qualité d'appel, y compris dans la profondeur. Et dans le jeu court, où Hazard est exceptionnel, l'ancien Madrilène a envoyé un signal positif à son nouveau compère. C'est une façon de lui certifier qu'en dépit d'être un simple joueur de bout de chaîne, il parle surtout le même langage que lui. Et c'est essentiel pour la suite.

Ci-dessus les échanges entre Hazard (en rouge) et Higuain (en bleu) contre Huddersfield (avec Opta).

À cette connexion directe s'ajoutent d'autres bienfaits, moins tangibles, comme le fait qu'Eden Hazard ait simplement retrouvé l'aire du terrain qu'il affectionne pour être face au jeu, là où la confiance toute relative que Sarri accordait à Giroud et Morata avait fini par l'exiler dans l'axe, dans une zone d'inconfort qui restreint ses qualités."Cette saison, nous avons bien joué, mais il nous manquait le gars pour la mettre au fond des filets", avait d'ailleurs finement glissé le numéro 10 dans des propos accordés au Evening Standard, quand Sarri laissait transparaître l'idée que son rôle dans l'axe pourrait se prolonger dans le temps. "Higuain peut le faire. Il est un grand buteur. Il peut marquer de n’importe où...". Que l'on ne s'y trompe pas, Hazard n'avait certainement pas l'intention de minimiser les rendements de Giroud et Morata. Il rappelait simplement à Sarri, en creux, qu'il n'est pas un neuf de substitution.

Alors que pense le stratège italien de cette paire ? "Quand Higuain est arrivé, il n'était pas au top de sa condition physique", a-t-il reconnu. "Maintenant, il s'améliore et je suis content parce qu'en dehors des buts qu'il a marqué, il est tout à fait capable de jouer avec Eden. Sur le terrain, ils sont tout à fait aptes pour jouer l'un à côté de l'autre. Pour nous, c'est très utile d'avoir Higuain parce qu'il sera capable de marquer beaucoup de buts, mais c'est aussi important pour Eden". Sarri, qui diffusait l'étrange impression de s'éloigner toujours un peu plus de son vestiaire, a eu le nez creux en rapatriant Gonzalo Higuain. C'est à lui, désormais, de gérer son attaquant avec la subtilité nécessaire pour que ce rapport privilégié ne devienne pas excluant, voire clivant, comme sa façon de manager Jorginho. Mais ça, ce n'est plus le problème d'Higuain. À Londres comme partout, Pipita ne vivra que pour une chose : marquer. Et avec Hazard à ses côtés, il a le meilleur des alliés.