Riyad Mahrez, Leicester CityGetty

Le cas Mahrez le prouve, un club prend le risque de perdre un joueur en refusant de le vendre

Il est assez curieux de voir que c'est un transfert avorté qui affole l'Angleterre, cette semaine. Ceux de Philippe Coutinho, Virgil Van Dijk, Pierre-Emerick Aubameyang ou Alexis Sanchez ont été finalisés dans un mercato d'hiver sans précédent. Mais le cas qui agite le Royaume concerne Riyad Mahrez, l'international Algérien, élu meilleur joueur de Premier League il y a deux ans et bloqué contre son gré par son club.

Du rêve à l'incompréhension

Rembobinons l'histoire pour énumérer les faits. Après sa saison éblouissante en 2016-17, Mahrez, très coté, aurait pu quitter Leicester, comme l'été passé, où son nom est revenu fréquemment dans divers clubs (comme la Roma). Le feuilleton de cet hiver était donc une suite logique à ces premiers épisodes, d'autant que le joueur n'a pas caché ses velléités de départ publiquement. Reste que Leicester a conservé son joyau contre vents et marées. Et que depuis le 1er février et la clôture du mercato, l'Algérien ne s'est pas entraîné.

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Riyad Mahrez Leicester CityGetty Images

Il a fait son retour ce vendredi, avec le sourire, dixit Sky Sports, et un communiqué dans la foulée pour mettre les choses au clair : "Leicester City a toujours été au courant de mes allers et venues et avait la connaissance de ma pensée directement ou par l'intermédiaire de mes conseillers. J'ai fait partie de l'équipe de Leicester City qui a connu beaucoup de succès, notamment en devenant champion. Ces objectifs restent les mêmes aujourd'hui et à l'avenir et quand on me demande de faire partie de l'équipe de Leicester, soyez assurés que je continuerai à tout donner. Au cours des dix derniers jours, beaucoup de gens prétendant être mon ami ont parlé de moi et de choses dont ils ne savent rien. Dans mon dos beaucoup de personnes et de journalistes ont fait des suppositions sans vérifier correctement l'histoire, donc je voudrais clarifier le fait que toutes ces soi-disant hypothèses qui ont été faites sur mon absence sont complètement fausses. Mes conseillers et moi-même n'avons jamais fait aucune déclaration à ce sujet, donc toutes les présomptions faites sont totalement sans fondement". Alors, quelles traces peut laisser cet épisode ?

Le retour dans le groupe de Riyad Mahrez pour le match important des Foxes contre Manchester City (le club qui le courtisait, ironie de l'histoire) était un dénouement attendu. Mais il y a trop de friture sur la ligne pour que les deux parties ne le ressentent pas. Dans un entretien accordé à Goal, le sélectionneur de l'Algérie, Rabah Madjer, a bien résumé la situation. "Mahrez mérite mieux que Leicester. Mais il ne faut pas oublier non plus que c'est Leicester qui l'a mis sur les bons rails. (...) Moi, je lui conseille de reprendre l'entrainement et de travailler dur, même si le transfert ne s'est pas fait". Du rêve à l'incompréhension, Riyad Mahrez doit désormais se rédoudre à terminer son histoire à Leicester sur une bonne note. Dans quel état ?

Les clubs victimes, les joueurs aussi

Ce type d'imbroglio peut avoir des effets à tous les niveaux. Psychologique, d'abord, parce qu'un joueur a le droit d'être timoré entre une frustation personnelle et son rapport aux autres. Dans le relationnel donc, aussi, puisque cette posture place une individualité au centre des attentions. Dans ce qui s'apparente à un rapport de force, Mahrez a perdu contre sa direction, mais ses coéquipiers et Claude Puel, eux, ont observé le conflit à l'écart. D'un point de vue physique, enfin, une absence prolongée à l'entraînement expose un joueur. Sans affirmer qu'il y ait un lien de cause à effet direct, l'été agité d'Ousmane Dembélé, qui avait fait grève à Dortmund avant de signer à Barcelone, ne lui a pas permis de débuter son aventure dans les meilleures conditions.

Le problème, c'est qu'une équipe est tributaire de ses meilleurs joueurs. C'est cette vérité-là qui pousse les clubs à tout verrouiller. Et c'est cette vérité-là qui se retourne contre eux. Comme pour rappeler, s'il le fallait, qu'un joueur de football n'est pas un simple actif dans une entreprise ordinaire. Un club de sport reste une entité humaine, avec toutes les complexités qui vont avec. De l'arrêt Bosman il y plus de 20 ans à la flambée actuelle des prix, l'évolution de marché des transferts est propice à ce type de situations. Les clubs peuvent en être les victimes. Les joueurs aussi.

Arsene Wenger Alexis SanchezGetty

C'est à ce moment-là que nous revenons aux transferts les plus retentissants de l'hiver : Coutinho, Virgil Van Dijk, Aubameyang, Alexis Sanchez. Quatre garçons déjà dans les starting blocks il y a six mois, en conflit ouvert avec leurs clubs. Tous ont obtenu gain de cause après une première partie de saison au mieux mitigée (Coutinho, Aubameyang), au pire déplorable (Sanchez). Les propos soufflés par Arsène Wenger à Sky Sport après le départ définitif du Chilien à Manchester United en disaient long sur sa pensée. "Lorsqu’une équipe ne sait pas ce qui se passe, il y a moins de clarté et moins de concentration sur ce qui est important - la performance. Maintenant, nous savons que nous devons faire face à cela...". L'histoire de Riyad Mahrez se terminera comme ça, peut-être. Dans sa substance, elle est déjà bien égratignée. Mais les deux parties ont le mérite de réparer les pots cassés, maintenant. Un procédé en bonne intelligence. Sans quoi tout le monde sera perdant. 

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