Baptiste Reynet

ENTRETIEN - Baptiste Reynet : "Je veux prouver que je peux m'installer dans ce championnat"

Symbole d'une équipe sans complexe, Baptiste Reynet nous a reçu au centre d'entraînement du DFCO pour se confier. Nommé aux Trophées UNFP dans la catégorie "meilleurs gardiens de Ligue 1" la saison passée, le Drômois mesure le chemin parcouru. D'un ton posé, il nous a raconté son rôle, ses ambitions, ses passions et son ascension. La notion de plaisir revient souvent dans son discours. Entretien.

Baptiste Reynet, vous sortez d’une saison très riche. Comment jugez-vous votre début de saison à titre personnel ?  

Baptiste Reynet : J’ai eu un début de saison un petit peu compliqué dans le sens où je ne me sentais pas assez décisif pour aider l’équipe. Il m’a fallu une grosse remise en question pour me remettre dans le droit chemin. Et depuis quelques matches, ça va mieux. Je me sens beaucoup mieux, je suis plus décisif.

"J'ai essayé le rugby avant d'attaquer le foot"

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Vous avez explosé en pro sur le tard. Racontez-nous votre parcours atypique. Est-ce que vous aviez imaginé ça ?

Je ne pensais pas avoir une carrière en pro. J’avais ce rêve-là comme tous les gamins qui rêvent d’être footballeurs. J’ai eu l’opportunité d’aller à Valence, qui était le club pro de la région, c’était à dix minutes, un quart d’heure de chez mes parents. C’était parfait. Mais là-bas, j’ai fait trois ans et j’ai perdu le goût du football de haut niveau, entre guillemets. Parce que je n’arrivais pas à comprendre comment on pouvait ressentir une telle pression pendant un match alors qu’on était jeunes, qu’on était là pour prendre du plaisir. Quand tu ne prends plus de plaisir… (Il réfléchit). J’ai décidé d’arrêter à Valence pour retourner à Mours-Saint-Eusèbe où mes parents habitent. Là-bas, j’ai retrouvé le goût du foot. Je jouais avec mes copains le weekend, je m’entraînais avec eux la semaine... C’était parfait, ça me convenait. Après ma première année en 18 ans, l’un de mes entraîneurs de l’époque jugeait que je n’avais rien à faire ici, que j’avais les qualités pour aller au-dessus. Il m’a envoyé faire un essai à Nancy, où ça s’est bien passé mais ils avaient déjà des gardiens dans le même registre que moi donc il n’y avait aucun intérêt à me prendre. Je me suis donc décidé à envoyer des CV un peu partout dans le sud pour tenter ma chance. Martigues m’a répondu, j’ai fait un essai là-bas, ça s’est bien passé, ils m’ont pris. Et c’est là que Dijon m’a repéré. À cette période-là, quelques clubs m’avaient sollicité, mais Dijon m’offrait de belles perspectives. Leur challenge était intéressant. Ils montaient en Ligue 1, je devais être en concurrence pour être numéro 2. Ça m’a plu. Je suis venu ici et j’ai pu jouer au bout d’une journée (sourire).

On sait que vous êtes passionné de rugby. Qu’est qui vous a fait choisir le football ?

Le fait d’avoir fait du foot est dû à mes copains qui jouaient tous au foot. Je me suis orienté tout naturellement vers le foot. J’avais essayé aussi le rugby avant d’attaquer le foot, mais les jeunes avec qui j’étais avaient un an ou deux de plus que moi donc je ne prenais pas de plaisir. J’ai donc poursuivi le foot. C’est vrai qu’à l’âge de 15-16 ans, j’ai souvent hésité à arrêter le foot pour partir dans le rugby mais la tentation du foot et des copains était plus forte, donc j’y suis resté.

Baptiste Reynet

Le rôle d’un gardien est à part. Quelle est la plus grosse qualité pour le poste ? Est-ce que ça ne requiert pas un peu de folie, finalement ?

De la folie, je ne sais pas mais c’est vrai qu’il ne faut pas avoir l’appréhension de mettre le nez un peu partout. On a tendance à prendre des chocs plus virulents que les autres joueurs. Je pense que la qualité principale pour un gardien c’est le mental parce que c’est un poste qui demande beaucoup de concentration. Il faut une bonne confiance en soi. On est le dernier rempart donc s’il y a une erreur on la paie cash. Un gardien avec un très gros mental – et des qualités derrière bien-sûr – peut faire la différence sur un gardien qui au contraire a de grosses qualités mais qui n’a pas le mental.

"Neuer a révolutionné le poste"

On a l’impression que les gardiens sont comme une confrérie en Ligue 1. On voit toujours des propos très fair-play entre vous.

C’est vrai que je m’entends bien avec les gardiens contre lesquels je joue même si on n’est pas amis. À chaque fois on a un petit mot sympa l’un envers l’autre. Je trouve que c’est bien d’avoir cette confrérie-là. On est à un poste où on peut se retrouver isolés des entraînements avec notre entraîneur des gardiens et les autres gardiens qui composent le groupe. Et puis moi personnellement, j’aime bien m’inspirer des autres gardiens de Ligue 1 ou de l’étranger. Je regarde beaucoup les matches pour ça. Je m’en sers pour ma progression, pour m’inspirer de ce qu’il faut faire ou pas dans certaines situations.

Vous avez un modèle ?

Neuer. Pour moi c’est le gardien qui a un peu révolutionné le poste ces dernières saisons. Il jouait super haut, il coupait les trajectoires, il n’avait pas peur de relancer au pied, et en plus de ça il était très bon sur sa ligne. Je pense qu’il doit avoir un gros mental aussi. On sent que rien ne peut le faire douter. À ce niveau-là, c’est vraiment un gardien exceptionnel. Et puis il y a aussi Buffon, qui n’est pas forcément dans le même registre mais qui a une telle longévité… C’est quand même une carrière de très, très haut niveau.

Le poste a beaucoup évolué depuis 10 ans. Vous le soulignez justement, le jeu au pied est de plus en plus important. Vous êtes dans une équipe joueuse donc on imagine que cette évolution du poste vous plait.

Oui, bien-sûr. En fait, quand j’ai fait ma première saison en Ligue 1 ici, nous n’avions pas le même entraîneur des gardiens. Et Laurent Weber, qui était au centre de formation à l’époque, venait aux matches pour regarder ce que je faisais. Il a décelé des qualités chez moi pour me faire évoluer. Il a compris assez rapidement qu’un gardien devait savoir jouer libéro, être bon au pied. C’est pour ça qu’on s’est appuyés là-dessus et que le coach part aussi sur cette philosophie-là. Moi, forcément, j’ai dû m’adapter à ça. Ça m’a pris trois, quatre, cinq mois pour me fondre dans ce moule-là. Maintenant, je me sens à l’aise en jouant haut, en essayant de relancer proprement derrière.

"J'ai envie de travailler sur tous les aspects du gardien de but"

Si vous deviez vous décrire, quel serait selon vous votre plus gros point fort et à l’inverse celui où vous vous sentez le plus perfectible ?

Je me sens fort sur ma ligne. Après, j’ai des points faibles, des situations où je me sens moins à l’aise, mais je ne me fixe pas sur un point faible à travailler en particulier. J’ai envie de travailler sur tous les aspects du gardien de but. Mes réflexes sur ma ligne par exemple, je continue à les bosser. Mais c’est vrai que dans les sorties aériennes, il y a quelques années j’avais un petit blocage. J’avais un petit peu de mal à sortir. Mais maintenant je me sens beaucoup plus à l’aise à ce niveau-là. Je ne dirai pas que j’ai des gros points forts, mais je ne pense pas avoir de gros points faibles non plus.

Baptiste Reynet

Vous êtes un cadre de l’équipe. Olivier Dall Oglio nous expliquait que vous faisiez partie de ses relais. Comment jugez-vous l’équipe cette saison ? On sent une montée en puissance.

On a perdu des joueurs cadres cet été, que ce soit sur le terrain ou dans le vestiaire. Il a fallu reconstruire à partir de là. Des nouveaux joueurs sont arrivés, il a fallu que la mayonnaise prenne. En plus, notre début de championnat ne nous aidait pas vraiment dans ce sens-là parce qu’on a joué des équipes qui luttent pour le titre ou les places européennes, ça a été compliqué. Mais depuis un certain temps, on arrive à produire du jeu et à être solides défensivement. On encaisse moins de buts - ce qui nous faisait défaut au début de la saison. Le match contre Paris nous a un peu remis dans le droit chemin. Même si on a perdu, on n’est pas passés loin d’un exploit. Et puis cette victoire à Metz nous a fait le plus grand bien et on a su enchaîner contre Nantes. Il ne va pas falloir se relâcher et continuer dans ce sens-là parce qu’on a des belles choses à faire cette année.

Quel est l’attaquant en Ligue 1 que vous redoutez le plus ?

Il y a Falcao qui m’a fait quelques misères quand même… L’année dernière il met un but sur coup-franc, après le premier but de Monaco qui vient suite à un coup-franc de sa part sur la barre. Et cette année il en met trois. C’est un attaquant hors-pair qui est très adroit devant le but. Dans la surface, il est insaisissable. Et il y a bien-sûr les trois Parisiens, Cavani, Mbappé et Neymar qui vont faire tourner beaucoup de têtes cette année.

"On est satisfaits de voir des joueurs comme Neymar arriver"

Vous faites une prestation remarquable contre Paris. Comment on aborde ces matches-là ? Est-ce que psychologiquement il y a une forme de crainte ou au contraire c’est une excitation positive ?

Pour moi, c’était plus une excitation parce que c’était un match télévisé, il y avait du monde, on joue contre le PSG… On n’avait rien à perdre. Ça aurait été bête de se mettre une pression négative et de passer à côté du match. Après c’est vrai que Paris, ce n’est pas une équipe qui joue dans le même championnat que nous, donc si on a le choix entre prendre des points contre Paris ou Metz, c’est vite vu. D’ailleurs, c’est ce qu’on a fait (rires). Bon, on aurait aimé aussi prendre des points contre Paris. C’est toujours valorisant de jouer contre des joueurs de niveau international quand on est un petit club comme Dijon. Pour le club, la ville, les supporters, c’est un événement. Personnellement, j’ai préparé mon match comme je prépare les autres. Je savais que j’allais être sollicité, mais je ne me suis pas pris la tête.

On se souvient de votre tweet à l’arrivée de Neymar, qui avait été très apprécié. Quel est votre regard sur l’évolution du championnat de France ?

C’est très positif. Par rapport à ce tweet, j’avais tourné ça avec humour. On connait tous Neymar, il fait partie des trois meilleurs joueurs au monde. On est satisfaits que des joueurs comme ça arrivent dans notre championnat. Ça le met en valeur, ça fait parler de la Ligue 1. Je trouvais que c’était une très bonne chose. Comme le fait que Mbappé soit resté, c’est super pour la Ligue 1.

On parle davantage de vous pour vos performances, votre leadership, votre présence médiatique. Vous sentez le regard des gens changer ?

Pas forcément. Je suis toujours le même. Je suis plus exposé parce que je joue en Ligue 1, que les médias pensent davantage à m’interviewer, donc on me voit plus à la télé. Mais j’espère que le regard des gens ne change pas sur moi. J’essaie toujours de rester le même, simple et humble. Après, c’est vrai que c’est toujours sympa de répondre à des sollicitations médiatiques et de faire parler de soi.

"Je n'ai pas le droit de faire la gueule parce qu'on ne m'a pas laissé partir"

Jusqu’où peut aller le DFCO ?

Il n’y a pas de limite, j’espère. On veut aller le plus haut possible. On est conscients qu’on ne va pas devenir champions cette année, ou l’année prochaine. Mais l’ambition, c’est de pérenniser le club en Ligue 1, de s’y installer. Et cette année, c’est de se maintenir le plus rapidement possible pour éviter de se faire des frayeurs comme l’an passé.

Et vous, comment vous voyez la suite ? On a beaucoup parlé de votre situation cet été mais on vous sent très serein par rapport à tout ça.

Dijon m’a beaucoup donné. C’est grâce à Dijon que j’en suis là aujourd’hui. Le club m’a fait confiance la première fois pour me faire jouer en Ligue 1. Ensuite, il m’a refait confiance une seconde fois quand je suis parti à Lorient où ça s’était mal passé. Après, à la fin de la saison dernière, j’ai eu envie de découvrir autre chose – non pas parce que je ne me sentais pas bien ici, au contraire, je me sentais et je me sens toujours bien – mais j’ai eu envie de pouvoir profiter de ma saison pour changer d’air. Ça ne s’est pas fait et je n’ai eu aucune rancœur envers le club, envers le président, il n’y a eu aucun problème à ce niveau-là. Cette année, je sais que je n’ai pas le droit de faire la gueule parce qu’on ne m’a pas laissé partir. Au contraire, je dois encore prouver que je peux m’installer dans ce championnat. Il faut le rappeler aussi, l’année dernière c’était ma première saison en Ligue 1 depuis quelques années. J’arrivais de Ligue 2, j’avais tout à prouver. Comme on dit souvent, la saison la plus dure c’est celle de la confirmation. J’ai encore tout à prouver. Il faut que je montre que je peux rester à ce niveau-là.

Propos recueillis par Jean-Charles Danrée, à Dijon

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